Sept mois plus tard
La douleur. Elle avait mal. Elle avait mal, immobilisée telle une statue de pierre par un sort de la Sorcière de sa tribu. Elle avait mal, cachée derrière un arbre.
Mais elle avait surtout mal en voyant du sang s'écouler jusqu'à ses pieds. Elle avait mal alors qu'elle savait que la garde rapprochée de sa famille s'était battue contre des loup-garous. La garde, sa mère et elle, avaient été victimes d'une attaque surprise alors qu'elles étaient évacuées.
Suzanne Walter et la Sorcière s'étaient assurées qu'elle ne soit pas en danger.
Puis elles étaient reparties.
Là d'où provenait alors le sang.
Là où elle jouait quand elle était petite.
Là où ses parents, le Roi et la Reine des anges, lui avaient enseigné à voler.
L'adolescente retenait son souffle. Elle avait entendu le son d'armes qui s'entrechoquaient, des grognements, des cris. Et désormais, plus rien. Un silence glaçant jonchait la prairie de sa terreur.
Car elle ne savait pas quel camp avait gagné. Et étrangement, elle ne voulait pas savoir.
Car elle se doutait de l'issue du combat.
Une rage sournoise l'envahit et elle commença à se débattre dans ses liens invisibles. Puis dans un geste de colère, le sort se brisa avec le son du verre éclatant sur du carrelage.
Elle manqua de tomber mais se rattrapa de justesse et se mit à courir au milieu de la vallée où l'on ne percevait même plus le vert de l'herbe.
Il n'y avait que du sang.
Du sang, du sang, et du sang.
Et des dizaines cadavres.
D'anges comme de loup-garous.
Puis elle s'immobilisa.
Là. Devant elle. Un corps de femme. Elle était couchée sur le flanc alors que ses longs cheveux blonds trempaient dans une marre sang. De son sang.
-MAMAN !
Elle tomba à genoux près de son corps en hurlant et en pleurant comme si on la torturait de l'intérieur.
Les assaillants s'étaient échappés à la même vitesse avec laquelle ils étaient venus, profitant de la bataille qui se déroulait plus loin pour détruire les anges.
En tuant la Reine.
La Princesse Émilie hurla au ciel de sauver sa mère, tout en serrant son corps inerte contre elle.
Puis les cris de la jeune fille ne devinrent plus que murmures, chuchotés à l'oreille de la femme qui gisait en ses bras secoués par des tremblements qui s'enchaînaient sans cesse.
-Maman... Je t'en supplie... Me laisse pas...
Puis ses larmes de douleur et de chagrin se transformèrent en larmes de rage et une colère noire s'empara d'elle.
-Je te déteste Hélios ! JE TE DÉTESTE !
Puis elle se remit à pleurer de plus belle. C'est alors qu'elle se figea d'un coup quand une main se posa sur son épaule. Elle se retourna, déchirée par les pleurs et la rage, tout en reconnaissant le Dieu du Soleil.
-Émilie...
-Tais-toi ! Je te hais ! Tu m'entends ?! JE TE HAIS !
-Émilie, est-ce que tu penses que c'est moi qui l'ai tuée ? rétorqua-t-il en indiquant la mère de l'adolescente d'un mouvement de tête.
La jeune fille ne répondit pas et recommença à pleurer. Hélios la prit dans ses bras et la serra contre lui. Sa chaleur, semblable à celle du Soleil, réconforta l'âme d'Émilie.
-Écoute, ma fille, ton père combat contre le meurtrier de ta mère, Aaron, le Roi des loup-garous, et ton petit frère est tout seul au palais. Va le chercher et enfuis-toi avec lui. Sauve-lui la vie. Emmène-le loin, laisse-le là-bas, et reviens te battre pour la venger.
-J'aurais pu la sauver... Je l'aurais pu, mais elle m'en a empêchée !
Elle ne maîtrisait plus ses pleurs. Elle ne maîtrisait plus sa rage. Elle ne maîtrisait plus rien.
-Elle voulait te protéger, Émilie, répondit doucement le Dieu du Soleil.
La jeune fille baissa la tête, les larmes l'aveuglant.
-Tu dois aller chercher ton frère Émilie. Tu dois le protéger comme ta mère a voulu te protéger toi.
Elle ne répondit pas. Elle n'en avait pas le courage. Elle ne voulait pas bouger.
-Émilie... Fais-le pour ton frère... Fais-le pour Liam !
Elle se redressa soudainement à l'entente de son prénom, et prit son courage à deux mains pour se lever, après avoir poser un dernier baiser sur la tempe de sa mère.
Puis elle jeta un regard douloureux à son protecteur avant de s'enfuir.
La regardant se précipiter vers le Palais Royal, le Dieu du Soleil murmura avant de disparaître :
-Émilie, ton avenir sera plus terrible que ce que tu peux penser. Zelda a voulu te compliquer la tâche. Pour elle, tu dois jouer un rôle important. Mais je te jure que je te protégerai. Je te le promets, ma petite Émilie.
***
La jeune fille entra dans le palais sans ralentir l'allure.
Dehors, la bataille faisait rage, et de l'endroit où elle se trouvait, elle entendait des grognements, des cris, des hurlements, et ça la terrifiait.
Elle entra en trombe dans les appartements du Prince, son petit frère. Elle était la future Reine des anges et si elle venait à mourir sans héritier, ce serait à son frère de gouverner sur les anges, et les autres espèces s'ils gagnaient la guerre. Elle devait donc le faire pour lui. Elle devait surmonter sa rage et sa douleur pour lui.
Elle l'enlaça quand il la rejoignit en courant.
-Émilie...
-Liam, Maman est morte. Ils l'ont tuée.
L'adolescent de treize ans retint les larmes qui le prirent, et sa grande sœur l'embrassa sur le front.
-Je suis désolée...
-Tu n'y es pour rien. Arrête de t'excuser.
-J'étais là et je... je...
Les sanglots séquestrés dans sa gorge lui empêchèrent de continuer sa phrase.
-Il faut qu'on y aille Liam. Viens.
Ils s'enfuirent du palais, comme l'avait voulu Hélios, puis arrivèrent à la lisière de la forêt qui se trouvait le plus au Sud.
-On va où ? demanda son frère tandis qu'ils recommençaient à courir entre les grands troncs d'arbre.
-On va à Tancy.
Tancy était une ville sur le territoire des humains, et c'était aussi le seul endroit où elle savait son frère en sécurité.
-Pourquoi ?
-Tu es le dernier espoir de la dynastie, Liam. Il faut que je te cache pour ne pas que les loup-garous te retrouvent.
-Je ne suis pas un lâche !
-LIAM ! fit-elle en s'arrêtant brusquement. On n'a pas le choix tu m'entends ?! On n'a pas le choix ! Tu es le seul héritier du trône après moi ! Si je meurs... c'est toi le Roi. Je n'ai pas d'autre choix que de te protéger en te mettant à couvert ailleurs.
Il baissa la tête sans répondre, et ils se remirent à courir.
Au bout d'une bonne dizaine de minutes de course sans pause, ils ralentirent, essoufflés.
-Émilie, reprit son frère, pourquoi on ne se transforme pas ? Ça serait une meilleure idée... On irait bien plus vite !
La jeune fille reprit sa respiration avant de répondre :
-Liam, nos ailes sont... enfin tu vois, voler nous ferait repérer, et notre aura est beaucoup plus forte sous notre forme angélique, ce qui nous ferait pourchasser. Les loups ont des sens décuplés sur le fait de recevoir les ondes et de ressentir les auras...
-Pourtant, je vous ai déjà repérés, fit une voix inconnue.
Bon bah voilà pour ce premier chapitre ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez !