Sida

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En ce soir, ce soir spécial, Keigo avait offert un sourire sincère à Touya. Un sourire plein d'amour, un sourire désolé, un sourire partagé.

D'un regard commun, ils se décidèrent et tout en se tenant par la main, ils entrèrent un hôtel dont les fenêtres s'éclairaient encore en cette douce nuit. Une nuit aussi douce que celle où ils avaient reçus les deux papiers qui avaient détruit leur vie. Deux hommes, dans une époque détruite par une nouvelle maladie que l'on ne disait appartenir qu'aux amoureux de leur genre. Une maladie qui ne touchaient que les homosexuels, que les plus pervers des humains, afin de les punir, disaient certains. Afin de mieux s'aimer, pensaient les deux jeunes hommes, bien trop jeune pour leur choix, bien trop jeunes pour être malades. Et pourtant, les voilà, les deux amants, face à cet hôtel, face à cette porte de bois qui ne tenait que sur deux gonds.

Les voilà face à leur destin, le corps affaiblit par les mois de maladies et les infections qui ne devaient toucher que les plus vieux, les voilà face à leur seule chance de s'en sortir, à deux, ensemble, toujours ensemble. Parce qu'ils s'étaient sauvés l'un l'autre, parce qu'ils avaient toujours été des gamins des rues qui couraient main dans la main, loin de leur vie, de leur famille et de leurs malheurs. Parce qu'ils avaient décidé de se trouver un coin à deux, un cocon dans un endroit un peu perdu dans la ville. Parce qu'ils s'étaient toujours soutenus quoi qu'il puisse arriver, parce que même lorsqu'ils avaient appris être malade, dans cet appartement miteux qu'ils étaient sur le point de perdre, ils s'étaient contenté de s'embrasser et de s'excuser. Parce qu'importe qui avait rendu l'autre malade, ils surent qu'ils se défendraient toujours, qu'ils se soutiendraient toujours, même pour voler des médocs, même pour soigner lésions sur lésions, même pour se traîner à l'hôpital lors d'une infection des poumons qui auraient pu les laisser sur le carreau.

Parce qu'ils n'eurent pas besoin d'équipe de soutient, parce que tout ce dont ils avaient besoin, c'était de l'autre, de celui qui en avait tiré un d'une vie de famille chaotique et d'une enfance calamiteuse, parce que même s'ils durent chacun donner son corps pour survivre, ils ne s'en voulurent jamais de cette vie, parce qu'ils l'avaient choisis à deux, comme ils choisiraient leur mort.

Délicats, ils sourirent à la serveuse en ce soir doux et montèrent ensemble dans la chambre aux papiers jaunis qui s'écaillaient sous l'humidité. Mais peu leur importait, par ce que le blond ne pleurait plus, parce que Touya redevenait sarcastique, alors plus rien ne comptait, parce qu'ils étaient eux mêmes. Parce qu'en ce soir, dans cette chambre qui leur coutait leurs dernières économies et qui laissait passer le moindre courant d'air au travers des carreaux, ils avaient décidés de s'endormir ensemble, de s'aimer une dernière fois, dans un lit cassé aux nombreuses mites, de s'embrasser, encore une fois, après un dernier verre.

Avec un rire léger, le blond trinqua de son verre crasseux celui du faux brun dont les racines blanches commençaient à se voir. D'un commun accord, ils assemblèrent leurs lèvres pour se donner un dernier élan de courage et burent chacun leur verre d'un trait.

En une heure à peine, ils se retrouvèrent couchés, l'un en face de l'autre, le regard brillant de tendresse et les lèvres rendues bleues par leurs corps frigorifiés. Dans un ultime baiser, ils se dirent adieux, blottit dans les bras de l'autre. En si peu d'année de vie, ils en avaient tant vécus que rien ne pourrait être plus apaisant que leur choix, celui qu'ils avaient prit ensemble, comme depuis leur rencontre, comme depuis leur fuite de leur foyer respectifs, comme depuis qu'ils se savaient malades.

Le lendemain, alors que le soleil s'élevait lentement dans les cieux, éclairant les deux corps de ses rayons rosés, la serveuse de la veille sentit son cœur louper un bond. Épouvantée, elle lâcha son mouchoir de tissus et couru vers le téléphone, loupant les sourires apaisés sur des corps amaigris et fatigués par un trop plein de vie.

J'espère que vous n'avez pas envie de vous tuer, je m'excuse, je promets que le prochain sera meilleur. J'espère aussi ne pas avoir loupé un sujet aussi délicat que celui de cette maladie. Je ne savais pas trop comment aborder le sujet, j'ai fait du mieux que j'ai pu et je dois bien avouer l'écrire un peu dans l'urgence et la fatigue. J'espère ne pas vous avoir laissé un arrière gout de bâclé, parce que ce n'est vraiment pas l'effet que je voulais. Je me suis d'ailleurs plus penché sur leur mort que sur leur vie en tant que malade, pour, encore une fois, ne pas paraître trop maladroite. Je vous invite tout de même à me donner vos avis, je vous laisse pour vous retrouver demain avec la prochaine case de notre calendrier qui sera bien plus joyeuse !

À demain avec un bon chocolat chaud et quelques marshmallow !

Sica        

Calendrier de l'AvantWhere stories live. Discover now