30.

76 9 8
                                    

Le bruit de la trotteuse dans l'horloge était insupportable. Allongée sur le canapé du salon, je regardais les minutes passées. Un silence pesant m'entourait. Je n'arrivais pas à y croire, je ne participerai pas au dernier tournoi avant les championnats de France. Cela faisait plus d'une semaine que l'on m'avait recousu le genou, mais le docteur m'avait interdit de pratiquer du sport pendant au moins un mois. Mes parents ne me laissaient plus sortir de la maison, à part pour aller au lycée bien sûr. Ma mère avait arrêté son travail de serveuse au côté de mon père, de toute façon plus personne ne venait à leur restaurant. Au lieu de ça, elle m'accompagnait tous les matins au lycée et venait me chercher le soir pour s'assurer que je n'aille pas à la patinoire. Je n'en pouvais plus d'attendre ainsi, j'allais devenir folle. J'avais envie de patiner. J'avais besoin de patiner. C'était ma force, ma vie. Tout à coup, la porte de ma chambre s'ouvrit, laissant apparaître ma mère avec un énorme plateau à la main. Elle le posa sur la table basse à côté de moi, sans même me regarder.

- Mange. Je vais à la douche. Tu ne bouges pas de ce canapé et tu manges, m'ordonna-t-elle.

Je me redressai en position assise.

- Laisse-moi sortir, suppliai-je.

- Non, tu as voulu jouer, tu as perdu. On récolte ce que l'on sème. J'espère que ça te servira de leçon. Maintenant, mange.

Je serrai les dents pour ne pas répliquer. Si elle croyait que j'allais lui obéir, elle se trompait lourdement. Elle partit dans la salle de bain. Dès que j'entendis l'eau coulée de la paume de douche, je me levai. À peine mon pied fut-il posé sur le sol, que je ressentis une vive douleur au genou. Je fus obligée de marcher lentement jusqu'à ma chambre, tellement je souffrais. J'enfilai mon manteau et mis mes patins dans mon sac de sport. J'ouvris l'armoire et restai un moment médusée devant. Tous mes costumes de patinage et mes vêtements d'entraînement étaient découpés sauvagement aux ciseaux. Et il ne faisait aucun doute sur la personne qui avait fait ça : ma mère. Je sentis les larmes me monter aux yeux. Comment avait-elle pu faire une chose pareille ? Je n'en revenais pas. Je claquai la porte de l'armoire avec rage. Je fermai mon sac de sport et sortis de chez moi. J'avais acheté le billet de train, il ne me restait plus qu'à marcher jusqu'à la gare et à rejoindre Louca pour ce dernier tournoi de la saison. Je savais bien que mes parents allaient très bientôt se rendre compte que j'étais partie le rejoindre, mais je prenais le risque. Je réussis à prendre le train de justesse. Je me lançais encore dans une aventure folle. J'arrivais à peine à marcher correctement, néanmoins je tenais à aller patiner. Sinon cela aurait signifié qu'Emma aurait gagné, elle aurait eu ce qu'elle voulait et ça, c'était hors de question. C'est elle qui m'a blessée en poussant Mathias sur moi, elle savait très bien ce qu'elle faisait. Elle allait le regretter. Mais je ne m'abaisserai pas à son niveau, je me battrai sur la glace et pas en dehors, comme elle. Dans le TER, je pris soin de prévenir Christelle et Louca de mon arrivée. Si Christelle déclarait forfait aux juges, tout serait terminé. J'attendis la réponse de mon entraîneuse, les mains moites. Mon coeur battait la chamade. Si Christelle avait déjà annoncé que nous ne participerions pas à ce tournoi, j'aurai fait tout ça pour rien. Tout à coup, mon portable vibra, et le message que j'attendais avec impatience apparut sur mon écran : Christelle venait me chercher à la gare.

Une demi-heure plus tard, je la rejoignais dans sa voiture.

- Où est Louca ? demandai-je en attachant ma ceinture de sécurité.

- Il nous attend à la patinoire, répondit Christelle en démarrant la voiture. Iris, qu'est-ce que tu viens faire ici ?

Je me tournai vers elle, fronçant les sourcils, mais elle restait les yeux fixés sur la route.

Un vent glacialOù les histoires vivent. Découvrez maintenant