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L'église sonna douze coups. Le soleil rayonnait, une brise venait caresser mon visage. Une dizaine de personnes attendaient l'ouverture de la patinoire. Je ne pus m'empêcher de rire : personne ne le savait, mais Samuel n'avait pas fini de déjeuner. Il m'avait envoyé un message un peu plus tôt, il était dans un restaurant bondé et on avait mis du temps à le servir. Il avait le don pour se mettre dans ce genre de situation.
Les gens commençaient à s'impatienter. À vrai dire, moi aussi j'étais agitée. Samuel m'avait prévenue qu'il avait quelque chose pour moi et il n'avait pas voulu me dire ce que c'était. Je ne tenais plus en place quand il arriva, dix minutes plus tard, trempé de sueur. Il bégaya des excuses à ses clients mécontents avant d'ouvrir la patinoire. Après avoir distribué les patins de location, il s'approcha enfin de moi.

- Alors ? m'écriai-je. Qu'est-ce que tu voulais me montrer ?

Il sourit en s'essuyant le front avec un mouchoir.

- Calme-toi Iris ! dit-il en m'ébouriffant les cheveux. Laisse-moi reprendre mon souffle. Je n'ai vraiment plus l'âge pour courir comme ça.

Nous avons ri de longues minutes.

- Bon papy, on peut y aller maintenant ?

- Suis-moi petite fille, plaisanta t-il.

Je le suivis jusque dans la réserve où un tas de bric-à-brac était jeté. Samuel sortit de sous un dictionnaire, un magnifique petit cadre doré où trônait la photo de moi et ma mère que je lui avais demandée de reconstituer. On pouvait admirer toute l'image, il ne manquait rien et il n'y avait plus les affreuses brûlures. Samuel avait encore fait de l'excellent travail avec son ordinateur.

- Qu'est-ce que tu en penses ? me demanda Samuel.

- C'est absolument parfait ! lui répondis-je. Merci.

Je rangeai la photo dans mon sac.

- En fait, qu'est-ce que tu vas en faire ?

- Je ne sais pas encore, mais je crois que le moment viendra où j'en aurai besoin.

Il hocha la tête d'un air entendu et retourna s'occuper de l'accueil. Je sortis de la réserve et m'assis sur un banc pour enfiler mes patins. La glace était belle. À l'entrée de la piste, je m'arrêtai un instant pour la contempler. Toutes les heures que j'avais passé ici...J'étais tombée, je m'étais écorchée mais je m'étais toujours relevée, parce que j'ai un rêve : devenir patineuse professionnelle avec Louca et ainsi, prouver à ma mère que tout cela n'est pas de la folie. C'est ma vie. Je ne veux pas que ce soit juste une invention de mon esprit, je veux le vivre.
J'avançai sur la glace, je pris de la vitesse, me tournai pour patiner en arrière et fis plusieurs tours comme cela. C'est à ce moment-là que je les vis : Emma et Mathias en pleine discussion sur un côté de la glace. Lorsque je passai à côté d'eux, je fis semblant de les ignorer, mais je savais qu'ils m'avaient vue. Alors que je patinais une nouvelle fois, à toute vitesse, à côté d'eux, Emma poussa brutalement Mathias qui  tomba sur moi. Une vive douleur me foudroya le genou. Je poussai un hurlement et m'écroulai sur la glace.  Mathias était tombé sur les fesses à côté de moi, alors que je me tordais, Emma se moqua. Puis, il y eut des cris de tous les côtés. Lorsque je vis le sang qui coulait sur la piste, je me mis à pleurer. Je ne pus m'en empêcher, je souffrai tellement. Je n'en pouvais plus, la douleur était insupportable. La lame des patins de Mathias avaient du toucher mon genou. Des larmes chaudes coulaient sur mes joues. Soudain, Samuel vint à mon secours.

- Emma ! Au lieu de rire, tu ferais mieux d'appeler une ambulance ! lui cria-t-il.

- Moi ? Hors de question ? Je ne vais tout de même aider la fille que j'ai voulu blesser, dit-elle en se détournant.

Un vent glacialOù les histoires vivent. Découvrez maintenant