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Les cahiers de français, d'Histoire et même de maths étaient étalés devant nous. Candice et moi avions passé plus de deux heures sur les révisions d'anglais, et il nous restait encore quatre exercices et deux évaluations. Nos professeurs avaient battu des records cette fois-ci, je n'avais jamais vu autant de devoirs de toute ma vie. Je n'en pouvais plus. J'avais l'impression de ne plus rien comprendre de ce que je lisais, comme si mon cerveau ne pouvait plus retenir une seule information.

- Iris ! s'écria Candice. Dépêche-toi de terminer d'écrire, il nous reste encore plein de leçons et tu n'avances pas ! Iris, tu m'entends ?

Je regardais par la fenêtre d'un air rêveur et je ne me rendais même plus compte de ce qui m'entourait.

- Hein ? Quoi ? demandai-je.

- Tu écoutes quand je te parle ? 

- Désolé, qu'est-ce que tu disais ?

Elle me regarda en fronçant les sourcils comme si elle essayait de savoir à quoi je pensais.

- Qu'est-ce que tu as ? me demanda-t-elle.

- Rien.

- Arrête je vois bien que tu as changé depuis quelques temps, dit-elle. Tu ne dis plus rien, tu n'es plus concentrée sur tes devoirs et tu t'en vas de plus en plus vite à la fin des cours !

Elle l'avait remarqué. Je ne savais pas quoi faire : tout lui avouer au risque de provoquer une nouvelle dispute ? Ou continuer à mentir, en priant pour que Candice y croit ?

- Tu n'as rien à me dire ?

Bon, après tout, c'était ma meilleure amie. Je lui devais la vérité, c'était une question de confiance, pas vrai ?

- Je...Écoute, tu as raison, j'ai quelque chose à te dire, avouai-je.

Je pris une profonde inspiration.

- Bah vas-y parle ? T'es amoureuse c'est ça ? s'exclama Candice avec impatience.

- Non, non ! Voilà, alors tu sais que j'adore patiner et...

- Quoi ? Tu ne vas pas recommencer avec ça ? On en a déjà parlé, tu sais très bien ce que j'en pense ! me coupa-t-elle, exaspérée.

- Oh ! Tu ne sais même pas ce que je vais te dire ! répondis-je sur le même ton.

- Je ne veux pas l'entendre ! Enfin, tu n'as toujours pas compris qu'on était au lycée ?

- Quel rapport avec la patinoire ? demandai-je, en serrant les dents.

- Mais ouvre les yeux enfin ! On n'a plus cinq ans, il est temps que tu grandisses !

- Où est-ce que tu veux en venir ? lâchai-je froidement.

- Arrête avec tes rêves et ton patin là,  concentre-toi plutôt sur tes études !

Comme je l'avais si souvent fait pendant ce genre de conflit, je retins ma colère et inspirai un grand coup. Alors, je lui répondis simplement :

- Je crois que tu devrais finir tes devoirs chez toi.

- En effet, lança-t-elle en regroupant ses affaires. Je n'ai aucune envie de travailler avec quelqu'un d'aussi peu mature.

Je la foudroyai du regard.

- Je ne te raccompagne pas, dis-je. Tu connais le chemin.

Et elle claqua la porte de chez moi. Je mis ma tête dans mes mains. Qu'est-ce qu'elle pouvait m'énerver des fois ! Il m'arrivait même de me demander si nous étions bien toujours meilleures amies. C'est vrai, depuis quelques temps on ne se comprenait plus ! J'avais l'impression que Candice n'était plus du tout la même qu'avant. Celle que j'avais rencontré il y a douze ans passait son temps à regarder des dessins animés, à rêvasser...elle voulait même devenir comédienne ! Mais que s'était-il passer entre tout cela et aujourd'hui ? 
Je me frottai les yeux et regardai mon cahier de maths qui contenait plusieurs feuilles que je n'avais pas collé : je n'avais vraiment plus envie de faire mes devoirs.
Je me suis levée de ma chaise et j'ai regardé par la grande baie vitrée :
le vent balayait les feuilles mortes, les nuages étaient si bas qu'on aurait dit qu'ils allaient nous tomber dessus.
J'avais l'impression d'être complètement vide. C'était comme si je n'avais plus envie de rien. En fait, la seule chose que je voulais faire dans ma vie, c'était patiner. Mais, tous mes proches m'en empêchaient à longueur de journée. Je ne comprenais pas. Personne n'était au courant que je patinais avec Louca et je continuais à croire que c'était mieux pour tout le monde.
Je fis mon sac même si je n'avais toujours pas fini mon travail pour demain. Tant pis. Ce n'était pas quelques devoirs non terminés qui allaient changer le cours de ma vie.
Soudain, la porte s'ouvrit et mes parents entrèrent.

- Qu'est-ce que vous faîtes là ? demandai-je surprise. C'est la première fois que vous rentrez aussi tôt du travail !

Mon père a fermé la porte derrière lui. Puis ils se sont tournés vers moi.

- Nous sommes rentrés plus tôt parce que nous n'avions aucun client, expliqua mon père. Et aussi parce que nous devons te parler.

Je les regardai sans comprendre. Qu'est-ce que j'avais encore fait ? Je savais bien que ma mère allait encore me disputer, mais à propos de quoi cette fois ?

- Qu'est-ce que tu as acheté avec ton argent dernièrement ? lança ma mère entre ses dents.

Je fis mine de ne pas avoir compris. Mais, je savais bien entendu à quoi elle faisait référence.

- Euh...Rien, seulement quelques affaires...

- Ne te fiches pas de nous Iris ! s'exclama ma mère.

- Mais c'est la vérité ! répliquai-je.

- Iris, baisse d'un ton s'il-te-plaît, dit mon père.

- Mais vous ne me croyez jamais ! m'écriai-je.

- Je sais quand tu mens, lança ma mère en me jetant un regard noir.

Je soupirai. Ils croyaient tout savoir sur moi, mais la vérité, c'est qu'ils ne savaient rien.

- Iris, nous avons trouvé ceci sous ton lit, lâcha mon père.

Et il sortit de son sac cabas mes nouveaux patins. J'en fus tellement surprise que j'ouvris la bouche sans m'en rendre compte, et je la refermai aussitôt. Je n'arrivais pas à réaliser ce qui se passait.

- Tu n'as rien à nous dire ? demanda ma mère, furieuse.

Je pris une profonde inspiration.

- Quoi ? Vous avez fouillé dans mes affaires ?

- Ce n'est pas la question Iris ! cria ma mère.

- Oh ! m'exclamai-je. J'ai le droit de me servir de mon argent de poche comme je veux !

- Seulement pour des choses utiles ! hurla ma mère. On ne gaspille pas ses billets dans des choses comme...ça !

Elle regardait mes patins avec dégoût. Je levai les yeux au ciel.

- Tu seras privée d'argent de poche pendant quatre mois, annonça mon père.

- Mais ce n'est pas juste ! protestai-je. Je n'ai rien fait de mal !

- Quant à ça...dit ma mère en tenant mes patins loin d'elle comme si c'était une maladie contagieuse. Je ne veux plus les voir !

Et elle jeta mes patins à la poubelle. Je crus halluciner. Puis, je repris mes esprits et m'écriai :

- Quoi ! Vous êtes complètement fous ? Ce ne sont que des patins, pas une arme !

- Ton comportement est inacceptable Iris ! aboya ma mère. Ne t'avise plus jamais de faire une chose pareil, c'est compris ? Va dans ta chambre !

Je leur lançai un regard noir et m'enfermai dans ma chambre en prenant soin de claquer la porte. Je n'arrivais pas à me calmer. Comment avaient-ils pu me faire ça ? Ils avaient jeté mes nouveaux Risport comme un vulgaire chewing-gum ! J'avais mis des mois pour économiser assez d'argent afin de les acheter. Je n'avais même pas eu le temps de les essayer sur la glace. J'étais dégoûtée. Heureusement, ils n'avaient pas trouver mes vieux Jackson que j'utilisais actuellement pour mes entraînements avec Louca. Ces patins étaient l'une des choses les plus importantes dans ma vie.

Un vent glacialWhere stories live. Discover now