CHAPITRE 3.2

200 47 19
                                    

CHAPITRE 3
Partie 2

Cette douche froide me fait un bien fou. La salle de bain est relativement petite, mais parfaitement organisée. Elle n'est pas encombrée de choses inutiles et j'aime ça. J'ai l'impression que plus un espace est aéré et rangé, plus mon esprit est clair. Au refuge, j'aime quand tout est parfaitement rangé. Quand chaque chose est à sa place, il est plus facile de s'organiser pour ne pas perdre de temps. Le temps est précieux quand on travaille avec les animaux, car ils demandent que l'on soit là pour eux en permanence.

D'ailleurs, je me demande comment ça se passe là-bas, chez moi. Loin de toute l'activité de la capitale, loin de tous ces événements qui ne cessent de se succéder. Il faudrait peut-être que j'appelle. Non, il vaut mieux attendre que je sois chez Elena, je ne veux pas importuner Teddy avec ça. Je suis juste là pour l'aider à s'installer avec Chance, je pourrais gérer le reste plus tard.

— Ça fait du bien ? m'interroge la voix de Teddy depuis la cuisine alors que je quitte à peine la salle de bain.

— Tellement !

Une forte odeur arrive jusqu'à mes narines. Ça sent vraiment bon, je commence à saliver. Je ne m'étais pas rendu compte à quel point j'avais faim avant ce moment.

Chance arrive vers moi en remuant la queue pour m'accompagner jusque dans la pièce principale. Là encore, ce n'est pas bien grand, mais l'espace n'est pas encombré par des objets inutiles. La cuisine est séparée du salon par un plan de travail blanc où sont déjà disposées deux assiettes, l'une en face de l'autre.

Dans le salon, il y a une porte-fenêtre qui donne sur un balcon. Je m'approche et aperçois le bâtiment en face ainsi que le jardin, en bas. Il y a encore plusieurs jeunes qui jouent au ballon, mais le bloc semble relativement silencieux.

— Ça ira comme ça ? me demande Teddy.

Je lui lance un regard interrogateur et il me montre le salon du menton. Une épaisse couverture mauve est étendue sur le sol, à droite du canapé. Avant que je puisse dire quoi que ce soit, Chance monte sur cette couverture, tourne deux ou trois fois autour d'elle-même avant de se laisser tomber.

— On dirait bien.

Je ne peux m'empêcher de ressentir cette fierté que je ressens à chaque fois que je récupère un cheval et qu'il finit par s'y sentir bien. Ils finissent tous tôt ou tard par se remettre à manger, prendre du poids et surtout, reprendre confiance en l'homme. Je n'en ai jamais abandonné un seul, même si certains me disaient que tel ou tel cheval était dangereux et que je n'arriverai jamais à regagner sa confiance. J'y suis arrivée à chaque fois, il faut laisser le temps faire, c'est l'animal qui choisit quand il est prêt. Chance a un cœur énorme, prêt à pardonner toutes les bêtises de la race humaine.

Je m'installe sur le tabouret en hauteur, face à mon assiette.

— Ça sent vraiment très bon !

— Et attends, tu n'as pas encore goûté.

Je sens son regard sur moi lorsque je goûte ses pâtes, mais je ne peux pas lui dire à quel point je les trouve bonnes. Son sourire satisfait est déjà suffisant, je ne veux pas lui faire ce plaisir-là. Je finis mon assiette plus rapidement que jamais.

Je l'aide à débarrasser le bar une fois le repas fini puis je me dirige vers Chance, toujours couchée sur sa couverture mauve. Elle m'accueille en tendant son bout du nez vers moi. Je ne peux m'empêcher de prendre sa tête entre mes mains et déposer plusieurs baisers successifs sur le haut de sa tête. Elle est si attachante. Je n'ai pas envie de la laisser là, même si je sais que Teddy s'en occupera très bien.

Lui non plus ne semble pas vouloir que je parte. Il s'assied à côté de moi, à même le sol, et fixe Chance tendrement.

— Tu as des animaux chez toi ? me demande-t-il sans la quitter du regard.

— Un certain nombre oui.

— Des chiens aussi ?

— Non, des chevaux. Je m'occupe d'un refuge pour chevaux maltraités.

— Oh... s'exclame-t-il.

Sa tête s'est tournée vers moi et ses yeux d'un marron très foncé cherchent à capter mon regard, mais je le garde baissé vers mes mains qui caressent doucement la fourrure blanche de Chance. Je ne sais pas comment interpréter sa réaction.

— Tout s'explique, finit-il par dire pour briser le silence.

— Comment ça ?

— C'est ton truc de sauver les animaux, comme tu as fait avec Chance aujourd'hui.

— Pas vraiment. Normalement, je ne m'en prends pas aux gens pour récupérer les chevaux. Ce sont eux qui me sont confiés ou bien je vais les chercher parce que les gens les ont abandonnés, mais c'est la première fois que je dois intervenir comme ça.

— C'était assez osé de ta part, je ne suis pas sûr que j'en aurais été capable.

Je me mets à rire.

— Quoi ? me demande-t-il, légèrement offusqué.

   — Tu n'as pas hésité à lui coller ton poing dans la figure pour l'empêcher de me frapper. Excuse-moi, mais niveau « c'était osé », tu es plutôt pas mal.

— C'est différent, dit-il doucement. Frapper un mec qui s'en prend à une fille et qui a deux fois moins de carrure que moi, c'est facile. Intervenir face à un mec qui fait deux fois ton poids, ça, c'est osé. Inconscient même.

— Une chance que quelqu'un de ta carrure était dans le coin alors.

Il me sourit de toutes ses dents et j'ai l'impression de déceler deux légères taches rouges sur ses joues.

— Que faisais-tu là d'ailleurs ? C'était loin de chez toi quand même.

— J'avais besoin de m'aérer l'esprit, répond-il en passant rapidement une main dans ses cheveux et c'est à son tour de baisser les yeux sur Chance.

Il ne m'en dira pas plus et finalement ça m'est bien égal. Je me relève difficilement, coincée dans le jean que j'ai dû enfiler en sortant de la douche, mon short étant plein de sueur.

— Je vais y aller maintenant, Elena va me crier dessus toute la nuit, il faut que je me prépare mentalement.

— Bon courage, répond Teddy en me souriant d'un air désolé.

— Ça va aller, je sais comment l'amadouer.

— On se voit demain de toute façon.

— Pourquoi ?

— Le rendez-vous chez le vétérinaire, pour le vaccin, c'est bien ça ?

— J'avais complètement oublié. Je te rejoins ici ?

— On se rejoint à la clinique plutôt.

— D'accord, à demain alors.

Je me dirige vers la porte et me retourne un instant.

— N'oublie pas de sortir Chance pour qu'elle puisse faire ses besoins !

— Ne t'inquiète pas, je gère ! À demain, me répond Teddy alors que je passe la porte après avoir fait une énième caresse à Chance qui m'a gentiment accompagné jusqu'à la sortie.

NOTRE CHANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant