Heather et Rei - Silent Hill/Project Zero Crossover

Chapitre 1 - Mauvais rêve

Heather savait ce qui l'attendait avant même d'ouvrir les yeux. Elle connaissait cette odeur de métal et de sang, cette sensation désagréable de déjà vu. Elle resta de longs instants les yeux clos, voulant repousser le plus possible le moment inévitable où elle devrait faire face à cette vision cauchemardesque, à ces figures grotesques et difformes se déplaçant en boitant dans les ténèbres. Une part d'elle, qu'elle trouvait bien naïve, caressait l'illusion que si elle se refusait à ouvrir les yeux, elle finirait par s'endormir et n'aurait pas à affronter cet enfer à nouveau.

Mais rien ne pouvait la sauver, elle en avait conscience. Ses paupières se soulevèrent lentement et, comme elle s'il attendait, un vieux parc d'attraction délabré se tenait devant elle, vide et plongé dans le noir. A sa droite, comme elle s'y attendait, se trouvait la boutique de souvenirs. La vitrine était brisée et s'y tenait peluche rose à l'effigie d'un lapin semblait la fixer et affichait un sourire figé de sa large bouche tâchée de marques rouges. Un sinistre sourire que Heather connaissait bien. Juste à gauche de Heather, le guichet qui normalement devait distribuer les billets d'entrée était en aussi mauvais état que la boutique. Bien qu'il paraissait vide, la jeune fille avait le sentiment qu'une figure cachée dans l'obscurité s'y trouvait et l'observait fixement. Heather ne la voyait pas, mais elle "savait" qu'il y avait quelque chose.

Devant l'adolescente, s'étendait un paysage désolé qui ressemblait vaguement à un parc de loisir vide, et qui n'était plus que l'ombre de lui-même. Il était même difficile de croire qu'un tel lieu ait pu accueillir des visiteurs, même des années auparavant. L'atmosphère qui régnait était si morbide que Heather ne pouvait simplement pas imaginer une famille se promener joyeusement dans ce lieu cauchemardesque. Des bancs, dont la plupart étaient cassés, arpentaient l'espace autour d'un grand manège circulaire où les chevaux sur lesquels des enfants auraient normalement pu jouer ressemblaient à des cadavres momifiés. Derrière le manège, Heather appercevait une immense grande roue. Les ténèbres empêchaient d'en voir le sommet, ce qui donnait l'impression étrange que la roue était bien plus grande qu'elle ne le semblait, voire que le cercle qu'elle formait n'avait aucune limite. Le seul mouvement perceptible était celui d'une épaisse brume qui s'infiltrait entre ces constructions comme des fantômes errant au hasard dans le parc. Tout était rouillé et métallique, et on distinguait facilement de nombreuses traces sanglantes sur les constructions. A défaut de les voir, Heather entendait les bruits de déplacement pénibles et lents des créatures qui devaient se trainer dans le parc, ainsi que leurs hurlements plaintifs dans la nuit. Malgré elle, elle était parfaitement capable de se représenter leur apparence monstrueuse et pathétique, ne pouvant chasser ce souvenir de les avoir déjà côtoyé.

Elle fit quelques pas en avant, tout en frissonnant à cause de la brume humide et froide qui caressait ses bras nus, faisant herisser ses poils. Ses bottes émettaient un bruit sourd alors qu'elle marchait sur la grille de métal rouillé qui avait remplacé le sol du parc de loisir. En s'avançant timidement vers le manège, elle se rendit compte pour la première fois qu'elle tenait un petit couteau de poche dans la main gauche. C'était celui que son père, Harry Mason, lui avait offert pour ses 13 ans afin qu'elle soit en mesure de se défendre en cas de besoin. Heather l'avait toujours gardé avec elle mais n'avait jamais eu besoin de s'en servir avant les terribles évènements liés à Silent Hill, qui survinrent lorsqu'elle eu 17 ans.

"Une ville où les illusions cauchemardesques de quelqu'un prennent vie"

Heather s'arrêta et considéra l'espace autour d'elle. L'air lui semblait terriblement lourd, et son esprit ne pouvait s'empêcher de penser à la mort. A celle de son père. A celle d'Alessa. A la sienne. Une part de son passé n'avait pas encore trouvé la paix. C'était, selon elle, la raison pour laquelle elle continuait de voir ces choses. Elle remarqua qu'un des bancs autour du manège à chevaux était occupé par une de ces mascottes en forme de lapin rose. Cette fois, il ne s'agissait pas d'une simple peluche comme celle qui l'avait accueillie, mais bien d'une personne en costume de lapin. Sa posture ainsi que le liquide rouge qui s'écoulait de la bouche géante du lapin laissait penser que la personne dans le costume était morte, mais Heather ne voulait pas vérifier ni même imaginer à quoi elle ressemblait. Sa tête avait déjà subi trop de visions morbides. Elle se trouva bien naïve d'avoir cru que le cauchemar était terminé.

Comme si cette réflexion était le signal attendu par les ténèbres pour se réveiller, les chevaux se mirent à agiter leur tête à grande vitesse et dans tous les sens, comme si elle se débattait dans leur cocon de bandages. En les observant, Heather remarqua que les bars qui les soutenaient au carrousel étaient plutôt des pieux qui les transperçaient à la verticale. Les chevaux émirent des hennissements de douleurs comme s'ils ressentaient réellement ces blessures. Alors que leurs têtes continuaient à gigoter, prenant parfois des positions qui auraient brisé la nuque de véritables chevaux, le manège se remit en route. Dans un bruit de moteur et de métal grinçant, rappelant le son produit par une usine en mauvais état, il se mit à tournoyer de plus en plus vite. Heather avait l'impression que les chevaux bougeaient malgré eux, car leur tête se débattaient de plus en plus, à une vitesse surnaturelle, comme pour échapper à cette situation. Leurs corps, eux, restèrent immobiles comme des statues. Une petite musique, à peine audible, accompagnait l'activité de la machine. Elle ressemblait à l'enregistrement d'un gramophone tant le son était pauvre, et la mélodie rappelait celle d'une vieille boîte à musique pour enfants.

Se retournant instinctivement, Heather eu le temps d'apercevoir une silhouette de jeune fille, partiellement dissimulée par l'obscurité, qui marchait vers elle. Cette personne avait la peau sale et maladive, et le sang qui la recouvrait bougeait de lui-même, comme animé d'une volonté propre. Mais ce qui troubla le plus Heather, c'était que ce corps ressemblait au sien.