Chapitre 10- le coeur léger

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Il était déjà deux heures du matin quand Dan laissa James au bar, bien décidé à rentrer chez lui. Il ne travaillait que le surlendemain, demain il irait sûrement au cimetière rendre visite à Max. La berline était garée trois rues plus loin, il s'assit au volant et se passa les mains sur le visage. Il ne regrettait pas d'être venu ce soir, il avait passé une bonne soirée. James était un ami du boulot, chirurgien pédiatrique le jour et joueur de rock la nuit. Enfin ce n'était pas tout à fait vrai au vu du nombre d'heures de nuits qu'ils devaient faire à l'hôpital désormais. La crise et les coupes budgétaires avaient amené l'hôpital à réduire son personnel de vingt pourcent, les quatre-vingt restant en subissaient les conséquences. Il y avait bien eut des manifestations mais les négociations n'avaient aboutie à rien. Du même coup les concerts de James et son groupe se faisaient plus rare et il était d'autant plus exceptionnel que Dan accepte d'y assister.

Il démarra le moteur. Il aimait cette voiture et tout les souvenirs qu'elle lui remémorait. Max l'avait acheté avec ses premières économies et il avait été si fier de la lui montrer. Il se souvenait de son sourire d'enfant quand il l'avait emmener l'essayer la première fois. Il n'avait pas réussi à s'en séparer depuis son décès. Puis il s'était habitué à elle, c'est vrai que beaucoup de personnes tournaient la tête à son passage et qu'au début il avait du s'y accoutumer. Il repensait à ce qu'avait dit Lana, cette fille l'intriguait. Visiblement il ne l'intéressait pas du tout et c'était tant mieux, il ne voulait pas qu'elle se fasse de fausses idées. Il n'était pas prêt à avoir quelqu'un dans sa vie.

La circulation était fluide à cette heure tardive, il se stationna devant sa maison sur Chiswick Mall. Il était assez fier de cette maison, elle était ancienne et avait refait tout l'intérieur lui-même dans un style industriel moderne et épuré. La bâtisse de briques rouge n'était séparé de la Tamise que par la route et des petits jardins privés sur la rive. Il était tombé amoureux de cet endroit à la première visite. Et il ne regrettait pas son choix bien que la maison était un peu trop grande pour lui tout seul.

Il eut du mal à s'endormir, il ne pouvait s'empêcher de repenser à sa rencontre avec Lana. Que diable faisait-elle un dimanche soir dans ce bar avec ce type ? Il avait beau le nier, elle avait attisé sa curiosité. Cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était pas intéressé à une femme pensa-t-il. Depuis Hailey il n'avait pas eu de relation sérieuse (non pas qu'elle en avait réellement été une d'ailleurs), juste une infirmière de l'hôpital avec laquelle il avait cru pouvoir faire un bout de chemin mais il s'était avéré que le sexe était la seule chose qu'il l'intéressait en réalité. Ces derniers mois il s'était plongé dans le travail pour oublier à quel point il était seul. Oh, il voyait bien toutes ses collègues où parfois même les mères de ses petits patients qui lui faisaient de l'œil mais jamais aucune ne lui avait donner envie d'aller plus loin. D'un coup il se sentit étrangement seul.

Il se leva tard, la nuit avait été ponctué de cauchemars, comme d'habitude. Il sauta du lit, enfila un t-shirt propre et fit couler un café. La journée était belle, il hésita à sortir courir puis laça ses baskets et vissa ses écouteurs sur ses oreilles. Il longea la tamise au pas de course, le soleil était déjà haut et il faisait déjà chaud. Le sport lui permettait généralement de se vider la tête, ce matin là il avait beau courir plus vite que d'ordinaire, il ne pouvait s'empêcher de penser à sa rencontre avec Lana la veille au bar. Il chassa ses pensées du mieux qu'il put et continua sa course.

Une crampe au mollet le força à s'arrêter quelques mètres plus loin. Il fit demi-tour pour rentrer à pieds. En rentrant, il fit quelques étirements, prit une douche tiède et enfila un jean et un t-shirt propre. Il attrapa sa veste sur le portemanteau de l'entrée et les clés de la berline. Le moteur démarra au quart de tour, comme d'habitude, il s'engagea sur Great West road, on était lundi et la circulation était dense, il mit au moins une heures et quart à rejoindre l'hopital de l'autre côté de la ville. Il s'arrêta dans une supérette sur le chemin et y acheta une boite de chocolats, les préférés de sa mère. La vendeuse n'était guère loquace et lui rendit un bonjour à peine audible, le magasin semblait peu fréquenté, ce qui ne le surprit pas quand en repartant il passa devant un supermarché d'une célèbre enseigne nationale. Situé à une centaine de mètres à peine nul doute qu'il faisait de l'ombre au petit commerce.

Il poussa la porte de la petite chambre aux murs jaunes pâle, elle était déserte. Une infirmière le renseigna ; sa mère était dans le jardin accompagnée d'une de ses collègues, il descendit une volée de marche pour les y rejoindre. Le jardin de l'hôpital était accueillant en cette saison, des fleurs aux couleurs chatoyantes dégageant un parfum printanier se mêlaient aux grands arbres plantés ça et là. Il reconnut sa mère sur un des bancs plus loin, quand elle le vit son regard s'éclaira soudainement avant de redevenir aussi vite triste et mélancolique. La jeune infirmière qui l'accompagnait céda sa place à Dan, non sans lui adresser un regard lourd de sous-entendu, il l'ignora, il n'avait aucune intention de flirter avec elle. Sa mère parlait très peu depuis la mort de Max, de fait il ne savait jamais quoi lui dire, il se contenta de lui raconter les nouvelles de son boulot. Elle se tourna vers lui, le considérant de ses grands yeux affligés de mère endeuillée :

– Tu as l'air seul mon fils...

Sa remarque lui fit un drôle d'effet, il était rare qu'elle fasse des phrases de plus de deux mots et il était étonné qu'elle s'inquiète de son propre sort c'était plus souvent l'inverse. Il pensa qu'elle avait bien progressé ici, peut-être avait-il enfin trouvé un établissement qui se préoccupait réellement de la santé mentale de ses patients.

– Avec tout le boulot qu'il y a à l'hôpital je n'ai pas beaucoup le temps de sortir, elle acquiesça silencieusement, ah et j'ai rencontré une amie de Mark et Amy il y a peu.

– Comment est-elle ?

Il était décontenancé, il ne s'attendait déjà pas à ce qu'elle lui répondre alors certainement pas pour poser ce genre de question. Il hésita avant de répondre, en fait il n'avait pas de réponse, il n'avait pas vraiment réfléchit à comment il trouvait Lana. Bonne question... pensa-t-il.

– Elle à l'air sympathique.

Catherine lui adressa un demi-sourire et il cru percevoir une lueur dans ses yeux qu'il n'avait pas vu depuis bien longtemps.

Ils restèrent un moment en silence sur le banc, puis quand elle eut trop froid pour rester à l'extérieur il la raccompagna et l'embrassa avant de partir. Il allait refermer la porte quand il l'entendit l'appeler.

– Dan ?

Surpris il rouvrit la porte.

– N'oublie pas d'être heureux...

La remarque de sa mère lui fit froid dans le dos. Bon sang ! Qu'est ce qui lui arrivait aujourd'hui ? Il hocha la tête et lui adressa un dernier sourire avant de refermer la porte.

A chaque fois qu'il la quittait dans un de ces hôpitaux il pouvait sentir son cœur se serrer. C'était toujours aussi difficile, il aurait tellement aimé la voir sourire et vivre à nouveau. Et Max aussi... pensa-t-il. Mais aujourd'hui, elle l'avait troublé, elle n'avait jamais autant parlé en presque deux ans et elle n'avait jamais été aussi lucide. Sa remarque le hanta tout le reste de la journée. Il s'était rendu au cimetière, avait acheté une rose dans des tons pâles cette fois-ci, la vieille dame lui avait offert un semblant de sourire édenté et il lui avait rendu un vrai sourire franc. Pour la première fois depuis des mois il avait l'impression de refaire surface, il se sentait enfin le droit de s'autoriser à vivre. Nul doute que les paroles de sa mère y étaient pour quelque chose. Il quitta le cimetière une heure après, avec le sentiment que son cœur s'était allégé de quelques centigrammes.

Lana in loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant