Chapitre 7- Quand tout s'effondre

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« Nous restons vivants tant que quelqu'un se souvient de nous » - Carlos Ruiz Zafon

La berline noire tourna sur Ladbroke Grove, bifurqua sur Harrow Road et pénétra dans le petit cimetière de St Mary. Le jeune homme en descendit, claqua la portière. Il était midi, il aimait venir à cette heure-ci, l'endroit était généralement peu fréquenté et il pouvait s'y recueillir sans crainte d'être dérangé. Une femme à laquelle il était impossible de donner un âge tellement elle semblait vieille vendait des roses à l'entrée du cimetière il avait prit l'habitude de lui en acheter une à chacune de ses visites. Il en choisit une rouge et remercia la femme. La mort semblait l'avoir laissée sur le bord du chemin où alors semblait-elle justement plus vieille à force de trop la fréquenter ?

Il venait ici deux fois par mois en général, plus souvent au début. Cela faisait deux ans et demi déjà et il en ressentait moins le besoin qu'avant, il faisait son deuil petit à petit. Bien sûr la blessure ne s'était pas refermée, elle ne le serait probablement jamais. Il tourna à gauche dans l'allée principale et compta jusqu'à 20 c'était son rituel à lui, un décompte un peu comme pour lui faire oublier une réalité si difficile à encaisser. Il s'agenouilla devant la plaque de marbre noire, y déposa la fleur délicatement.

– Salut petit frère !

Il resta là un bon moment contemplant la photographie incrustée sur la plaque, la mort de Max était un tel gâchis, il était si jeune pensa-t-il. Il se pencha et caressa la gravure dorée incrustée dans la pierre on pouvait y lire :

Maxime Graham White

4th July 1988

20th December 2017

Dire qu'il n'avait même pas trente ans et qu'il ne les verrait jamais. Cette injustice le bouleversait et bien que sa colère s'était quelque peu apaisée, il n'arrivait toujours pas à en parler sans qu'une rage profonde ne l'envahisse, sans le soutien de Mark et Amy il n'aurait sûrement pas eut le courage de continuer à avancer .

Dan se releva, à chaque fois qu'il se trouvait là tout lui revenait en mémoire, la neige qui tombait sur le marché de Noël de Leicester square, l'excitation des fêtes de fin d'année, le casse-tête pour tenter de trouver un cadeau qui ferait vraiment plaisir à leur mère, la complicité de frères qui les unissait à ce moment là. Et surtout le plus dur, ce qui restait gravé dans son esprit et ne le quittait jamais, cet homme qui avait surgit de nul part et avait hurlé quelque chose dans un langage inconnu, les détonations qui lui avaient éclaté les tympans, le choc du sol froid contre son visage quand l'homme à côté de lui l'avait plaqué à terre, la panique, les cris, le sang puis il avait perdu connaissance.

Quand il avait rouvert les yeux un policier lui secouait l'épaule, la confusion dans sa tête, et puis venait la vision d'horreur, le corps de son frère, son petit frère reposant à un mètre de lui, inerte, ensanglanté, sans vie, il se souvenait avoir crié mais aucun son n'avait pu sortit de sa gorge, les larmes amères qu'il avait versé, intarissables, le choc. L'incompréhension avait rapidement céder sa place à la rage dans son cœur, jamais il ne pourrait pardonner un tel acte de violence, gratuite, injuste, insupportable. Il se souvenait encore du cri d'hystérie de sa mère quand elle l'avait apprit, il résonnait dans sa tête à chacune de ses nuits d'insomnies.

Cet homme, ce monstre, avait détruit sa famille et celles d'une cinquantaine d'autres personnes, en une fraction de seconde, un acte de haine pur, un massacre. Grace White ne s'en remettrait jamais, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, on lui avait retiré son enfant, son bébé et c'est son âme qui s'en était allée par la même occasion. Elle ne survivait qu'à l'aide d'antidépresseurs surpuissant qui la démolissait complètement. Depuis six mois elle était internée en psychiatrie, Dan lui avait obtenu une place dans le meilleur établissement de la ville. Depuis ce glacial jour de décembre il portait sa famille à bout de bras, usé par le chagrin et l'amertume qu'il tentait d'enfouir en lui et de cacher au reste du monde, il ne pouvait en parler librement qu'avec Mark et Amy.

Dan n'avait jamais noué des contacts facilement avec les autres, il avait un grand cœur mais le mur qui l'entourait était une forteresse imprenable, il n'accordait sa confiance qu'a peu de personnes. Il n'avait pas eut une enfance très simple, son père était décédé dans un accident de voiture alors qu'il n'avait que 6 ans et bien qu'ayant une mère très aimante et attentionné qui leur avait tout donné, elle avait du beaucoup travailler et c'était surtout ses grands-parents maternels qui les avaient élevé Max et lui. Son grand-père était un homme austère, peu affectueux qui leur avait donné la valeur du travail. Il était dans les affaires et avait plutôt bien réussi en partant de rien, il avait refusé d'aider financièrement sa fille à la mort de son gendre préférant qu'elle se construise par elle-même ce qu'elle avait fait de manière remarquable mais au détriment de ses deux fils. Dan lui en avait énormément voulu à l'adolescence et encore aujourd'hui leurs contacts étaient rares et tendus.

Il resta encore un moment, puis retourna à la voiture, il roula jusqu'au Park Richmond, il aimait beaucoup cet endroit, leur grand-mère les y emmenait souvent quand ils étaient gosses, y revenir lui remémorait de bons souvenirs qui venaient chasser les mauvais dans son esprit. Il marcha un bon moment, le printemps enveloppait le parc et la végétation y était luxuriante et verdoyante. Il s'installa au bord du lac et sortit un sandwich de son sac, il appréciait le calme et la solitude de l'endroit. Il sortit un livre, le temps orageux du matin avait laissé place à un soleil radieux et, plongé dans sa lecture, il ne vit pas l'après midi passer.

Quand il émergea et consulta l'heure sur son smartphone il était presque dix huit heures, il ramassa ses affaires à la hâte, Amy et Mark l'avaient invité à dîner, il allait être en retard. Il n'avait pas particulièrement envie d'y aller, mais il l'avait promis à Mark. Il espérait que leur amie de la dernière fois (Clara ? Lara ? Il ne savait plus ) serait absente ce soir. Il n'avait aucune envie de la revoir, elle lui avait parut dédaigneuse et il s'était d'ailleurs demandé si il n'y avait pas quelque chose entre elle et Sam. Dan n'avait jamais aimé les présentations entre amis, il trouvait ça surfait, ce n'est pas parce qu'un ami avec lequel on s'entendait était ami avec un autre qu'on l'apprécierait pour autant, si ? C'était peut-être du au fait qu'Amy lui avait déjà présentée avec acharnement toutes les célibataires de la région y comprit sa propre sœur et ça n'avait pas été une affaire... Il craignait de tomber dans un nouveau traquenard... Il n'avait pas la tête à ça, pas pour le moment.

Il passa rapidement chez lui pour se changer, l'eau chaude de la douche eut un effet revigorant sur son corps, il regarda son reflet dans le miroir, de petites rides qu'il n'avait jamais remarquées apparaissaient autour de ses yeux, il était épuisé par toutes ces épreuves que la vie lui envoyait, il ne s'était pas rasé depuis plusieurs jours, il renonça à le faire, il n'avait aucune raison de faire des efforts pour Mark et Amy, ils l'acceptaient tel qu'il est. Il enfila un jean propre et un t-shirt blanc des plus simples. Il attrapa sa veste de cuir noir sur la chaise de l'entrée et claqua la porte. Il était déjà vingt heures quand il arriva chez Amy et Mark, il avait plus d'une heure de retard.  

Lana in loveWhere stories live. Discover now