Chapitre 28 (suite)

3.2K 371 615
                                    

Mercredi 8 mars

Vicky récupéra la copie que le professeur d'Histoire/Géographie lui tendait. Son sourire pincé lui apprit la sentence avant même qu'il ne découvrît la note en rouge. Vicky soupira et posa la feuille sur la table. Diego ne dit rien. Mais Elodie devant eux se retourna, brandissant un quatorze avec fierté. Vicky la félicita, sincèrement content pour elle. Il ravala cependant sa rancœur et ne parla plus de cet échec. L'école le stressait. Cette façon de placer les élèves en compétition aussi. Il n'était pas bête, il le savait. Sans figurer non plus parmi les premiers de la classe. Pourtant, il ne parvenait plus à suivre le rythme imposé, préoccupé depuis des semaines par l'état de sa mère, puis par celui de Leï.

Il trouvait injuste d'être jugé à travers des notes car elles ne reflétaient en rien selon lui, ses capacités et son intelligence, et surtout, ne prenaient pas en compte les facteurs extérieurs qui l'empêchaient de progresser.

C'est donc maussade qu'il quitta le cours.

Diego passa un bras autour de ses épaules et remit sa casquette sur sa tête.

— Eh frérot, c'est qu'une note. Ça définit pas qui t'es.
— Oui, mais ça va définir mon année... que je suis clairement en train de rater.

Ils parcouraient les couloirs tranquillement. La cloche annonçait la fin de cette demi-journée de cours et chacun se dépêchait de rentrer. Diego stoppa leur marche et soutint le regard de son meilleur ami. Ses yeux noir foncé s'accrochèrent résolument à ceux de Vicky.

— Eh. Tu gères ta mère. Et Dieu sait pourquoi, tu gères Leï en même temps. C'est normal que tu sois pas au top de ta forme tous les jours. Et même si tu ratais un trimestre ou une année... C'est quoi une année dans une vie ? Et pis une année de seconde au lycée est ce que ça vaut une année de vie ? Tout ça là, c'est que de la belle théorie et c'est cool hein, avoir de la culture tout ça. Mais dans la vie, quand tu te retrouves face à tes impôts, ou face à la maladie... l'école, elle t'apprend pas tout ça. Alors ptet que t'as eu sept sur vingt parce que t'as pas su caser des ruisseaux et des montagnes dans un pays où tu mettras probablement jamais les pieds... mais en attendant, toi et Leï vous gérez des trucs qui feraient paniquer les trois-quarts de la population, dont les profs qui te notent. Alors te mets pas mal pour ça, Vito. Vraiment. Cette note, celles d'avant et celles d'après, ça veut absolument rien dire sur ta personne.

Vicky lui sourit, rasséréné. Il savait que le soulagement ne serait que temporaire, mais admettait que Diego avait raison. Pourtant, il mettait un point d'honneur à vouloir réussir. Il voulait tout rééquilibrer ; ne voulait pas que sa mère replonge dans la maladie, voulait que Leï soit heureux de vivre, que le ménage n'incombe pas qu'à Isabelle, et enfin voulait réussir sa scolarité. Il ne daignait pas admettre l'échec.

Il avait été éduqué ainsi. Altéa lui avait bien des fois raconté son périple, ses années de pauvreté, et malgré sa maladie invalidante, Ornella s'accrochait, travaillait tant qu'elle le pouvait. Vicky prenait sur lui pour suivre le rythme. L'inverse n'était pas envisageable.

Le stress l'envahit quand il songea au devoir de son option économie qu'il devait rendre, car d'abord il souhaitait aller rendre visite à sa mère. Il n'avait pu la voir depuis samedi, jour de son hospitalisation, faute de temps. Leï s'était proposé pour l'accompagner.

— Je vais faire de mon mieux, répondit Vicky. Merci Dieg'.

Diego lui sourit et tapota son épaule.

— Diego Alvarez, le seul et l'unique, toujours présent pour sa mifa. Yo, mon bro.

Vicky tourna la tête au moment où Leï tapa la main dans la paume de Diego. Il voulut le saluer mais n'en eut pas le temps. Leï se jeta sur lui, et sa bouche vint le chercher. Passé l'effet de surprise, Vicky sourit contre ses lèvres, lui répondit tendrement. L'espace d'un baiser, il parvenait à oublier ses tracas, ne pensait qu'à ce cœur qui se réchauffait au contact du sien. Près de Leï, tout lui paraissait possible. Rien ne lui semblait trop grand.

La Lumière noire - (L&V) T.1 + T. 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant