71. Le choc des mondes

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Lorsqu'Adrian passa la porte coulissante, malgré le sourire confiant qu'il affichait toujours, les agents de sécurité s'interposèrent en croisant les bras.

« Est-ce que vous avez une invitation, monsieur ?

— Non, répondit-il avec une honnêteté désarmante, je n'ai jamais d'invitation.

— Est-ce que vous acceptez de nous suivre, afin qu'on procède à un contrôle d'identité, et une fouille réglementaire ? Vous avez le droit de refuser.

— Je... et puis, comment dire... demandez à ma collègue. »

Avec bruit d'une feuille qui glisse à la surface de l'eau, la façade de verre fut parcourue de rides miroitantes, de sillons dorés sublimés par le soleil de juin. Astyane se trouvait au milieu de ces cercles, qui traversait le verre comme s'il n'était qu'un rêve. Les regards se tournèrent vers elle. De la droite, les agents et analystes du BIS la contemplèrent avec perplexité, bien qu'elle ne fasse que leur montrer ces magies interdites dont ils avaient la garde – et la lourde tâche de protéger la Terre. De la gauche, les vampires rapprochèrent leurs mains des armes cachées dans leurs blousons, passées à leur ceinture. Leurs regards inquiétants étaient ceux des vautours jaugeant une proie, prédateurs aguerris, sûrs de leur supériorité naturelle.

« La discrétion a fait son temps, constata Adrian, ce qui valait aussi comme explication au grand public. Puis il écrasa son escargot d'obsidienne entre les côtes d'un vampire qui s'approchait trop près de lui.

— Alma Treskoff se trouve ici, lui dit Astyane, indifférente à ces regards penchés sur elle comme ceux des spectateurs de l'arène.

— Comment le savez-vous ? »

Elle pointa du doigt le bloc de pierre entouré de ses fontaines ridicules, planté au milieu du hall comme s'il était tombé de la poche d'un géant. L'impératrice vampire venait aussi d'ôter son voile d'invisibilité. Assise sur le rocher, elle laissait reposer sa main armée de Tyrfing. Ses jambes pendaient de l'arête de pierre.

« Vous étiez l'élément inattendu, annonça-t-elle sur un ton prophétique.

— Fidèle à ma devise, s'exclama Adrian.

— Pas vous, l'alchimiste. Je parle de l'ange. Je ne pensais pas qu'un être si puissant retournerait contre moi le pouvoir d'Atman. Quel Stathme possèdes-tu, Astyane ? Le mien est le Stathme de Tyrfing. Si tu le désires, je peux te le donner. À condition que tu te montres méritante. »

Les vampires formaient désormais un rang serré. Certaines vestes de costume tombèrent, sous lesquelles patientaient des armes automatiques, des lames de céramique et autres épées anciennes acquises par les Convertis.

« Je ne veux pas le Stathme. Mais je veux que votre folie s'arrête, et je veux savoir où celle de Samaël l'a mené.

— Samaël ? Il est en chemin vers la Cité de cristal.

— Alors, montre-moi où elle se trouve, et je passerai mon chemin. C'est lui que je suis venue affronter, ni toi, ni ton armée de vampires.

— Personne ne peut croiser le chemin de sang de l'Empire et s'en écarter comme tu le prétends. Tu dois me vaincre, ou perdre. Telle est la loi. »

Astyane regarda autour d'elle, comme si elle cherchait un soutien auprès d'Adrian, qui haussa les épaules, ou des employés du Bureau, trop occupés à prendre abri derrière les escaliers. Les deux mondes qui se faisaient face avaient pris conscience l'un de l'autre. Il ne manquait qu'une étincelle pour la conflagration.

« Je ne désire pas cette bataille, dit l'ange en hochant tristement la tête.

— C'est vrai. Tu fais une piètre figure de proue. Tu n'es pas Aléane. Je ne pense pas que tu puisses m'arrêter.

Nolim IV : La Cité de cristalWhere stories live. Discover now