Ruines de mes songes

38 - Intrusion

01.10.2020

Sans même toquer à notre porte, une dame d'un certain âge s'est brusquement introduite chez nous dans le plus grand des calmes. Notre étonnement était si grand que nous ne l'avons quasiment pas saluée. Ma mère a tenté de l'empêcher de trop empiéter dans notre espace vital, puisqu'elle n'avait fait preuve d'aucun respect envers nous. Mais sans y prendre compte, elle a commencé à enchaîner un monologue en nous suppliant de lui donner une faramineuse somme d'argent pour (selon ses dires) une association dans le besoin. Étant donné que nous n'avions absolument aucune preuve de la véracité de ses informations, nous avons gentiment refusé de l'aider en lui demandant de s'en aller. Nous aurions pu avoir davantage de générosité envers elle si elle s'était comportée de manière plus courtoise. Très contrariée de cet échange raté, elle a essayé de nous faire culpabiliser en répétant que nous n'avions aucune pitié. Juste avant de partir, elle a pris soin de lentement observer chaque recoin de la pièce, comme si elle comptait revenir pour nous cambrioler.

Les jours se succédaient sans qu'il en manque un où je ne me sentais pas en sécurité dans ma propre maison. La peur qu'elle puisse revenir d'un moment à l'autre me rongeait de l'intérieur à chaque fois que j'y songeais. Plus jamais je ne connaîtrai le goût rassurant de la sérénité d'avant. Même si nous avions pris le temps de mettre notre argent et nos objets de valeur dans des lieux sûrs, je vivais dans la crainte permanente. Et lors d'une froide nuit d'hiver, nos doutes sur ses intentions se sont avérés vrais. En entendant du bruit inhabituel dans le jardin, nous sommes allés voir ce qu'il se passait. Nous l'avons trouvée dans les parages, en train de faire le tour de la maison certainement pour trouver une entrée plus simple d'accès. Son comportement paraissait beaucoup plus paniqué et pressé que lors de sa première « visite » impromptue. Elle avait complètement changé sa manière de s'habiller comme si elle voulait se faire passer pour quelqu'un d'autre pour ne pas que nous la reconnaissions. Lorsque nous lui avons demandé ce qu'elle était en train de faire, elle nous a répondu avec affolement qu'elle recherchait ses deux enfants récemment disparus. Enfin, cela ressemblait plutôt à une brève excuse qu'elle venait tout juste d'inventer pour ne pas se faire démasquer. Avec toute la bienveillance et la patience dont nous pouvions faire preuve, nous avons insisté pour qu'elle ne revienne plus jamais vers chez nous en la menaçant de porter plainte. Elle s'est honteusement excusée en nous promettant que cet acte ne se reproduirait plus, et s'en est allée d'un pas frustré. Mais nous n'étions plus certains de rien à présent. Cette situation nous obligeait de déménager afin d'avoir l'esprit tranquille.