43 - Rien n'avait changé

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29.03.2021

Venant tout pile d'enfin réussir à m'échapper de ma propre maison, je fuyais toutes ces années passées à souffrir silencieusement d'un père qui me maltraitait. Une sensation de liberté m'envahissait pour la toute première fois, hors de ce lieu dans lequel je laissais loin derrière moi mes accoutumées douleurs physiques et morales. La peur ne semblait plus me posséder, alors qu'elle avait pourtant été ma seule compagnie pendant que je grandissais.

Mais des années après cet événement qui avait chamboulé ma vie de la meilleure des façons, je me devais d'y retourner. Je désirais absolument récupérer des affaires qui m'étaient précieuses, et par la même occasion essayer de me venger de l'homme qui avait détruit mon enfance. En y retournant, j'ai tenu à directement me diriger jusqu'à la sombre cave, pour ne pas qu'il ne remarque ma présence infortune. Rien n'avait changé depuis tout ce temps, cette prison dans laquelle j'avais été enfermée m'était encore si familière. Je pouvais encore ressentir toute l'angoisse que ce lieu avait éveillé en moi. Je me revoyais toute petite, tellement heureuse de pouvoir jouer à cache cache à l'intérieur pendant l'absence de mon père. A gambader en essayant de trouver la parfaite cachette, mais au lieu de ça tomber sur une pièce remplie de mannequins qui semblaient plus vrais que nature. La frayeur qui m'avait parcourue tout le corps, nez-à-nez à cette compromettante trouvaille. Ainsi que cet amer souvenir de la même journée où j'avais joué innocemment avec le matériel dangereux que mon père avait laissé sous mes yeux. L'atroce punition qu'il m'avait faite endurer en le découvrant. Les interminables heures d'isolement total que j'avais passé dans un compartiment si oppressant qu'il m'était inenvisageable de respirer confortablement, et si étroit que je n'avais même pas la place de me tourner. Et ce malgré mon très faible poids à cette époque-là. Voici tout ce que cet endroit infernal m'inspirait et faisait revivre en moi. Rien n'avait changé. Tout était encore en place, comme n'attendant que ma petite venue pour continuer. Mais je n'y étais pas retournée dans ce but-là. Bien déterminée à faire payer mon bourreau, j'ai ensuite décidé de me rendre dans le jardin afin de passer par une entrée discrète. Mais à peine éclipsée de cet obscur sous-sol, je suis finalement tombée face à lui. En revoyant son sourire dérangeant et son visage identique à Jack Torrance (Shining), je me suis rappelée d'à quel point je pouvais le haïr. D'un air dérisoire et d'indifférence totale à mon égard, il m'a tout simplement demandé « Mais pourquoi es-tu revenue ? ». Ce à quoi je n'ai absolument rien su répondre, trop perturbée par ses incoercibles rires narquois qui se réjouissaient déjà de pouvoir finir ce qu'il avait commencé des années en arrière. D'un rapide mouvement instinctif de recul, je me suis heurtée à quelque chose. En me retournant, je me suis rendue compte qu'il s'agissait tout simplement de personnes lui rendant visite. Un dernier sentiment de détresse m'a fait les regarder droit dans les yeux en leur mimant de ma bouche tremblante « Aidez-moi ». Ce à quoi ils n'ont réagi que d'un froncement de sourcil d'incompréhension. Continuant leur banale discussion l'air de rien, je réalisais alors que mon plan ne pouvait plus se dérouler comme je l'avais prévu. Mon unique solution était de repartir aussi impuissante que lors de ma première fuite... Rien n'avait changé.

Ruines de mes songesWhere stories live. Discover now