Partie trois

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Harry avait tant bien que mal essayé de rentrer silencieusement dans le domaine, mais son plan était rapidement tombé à l'eau. À son arrivée, il se retrouva face à face avec sa supérieure, Angélique, qui n'avait pas l'air heureuse de le voir rentrer aussi tard. Sur son visage pouvaient se lire les signes de fatigue qui montraient qu'elle l'avait attendu durant la moitié de la nuit. Son teint pâle accueillait de gros cernes creusés sous ses yeux. Il grimaça puis une fois face à elle, passa nerveusement une main sur sa nuque, entre ses mèches bouclées.

— Tu as vu l'heure qu'il est ?

— Écoute Angélique...

— Tu es passé chez tout le Danemark ou quoi ?

— Je me suis assis quelque part pour jouer du pipo, c'est tout.

Vu l'air qu'elle affichait sur son visage, elle n'était pas —mais genre vraiment convaincue. Sa main posée dans le creux de ses hanches montrait d'autant plus son impatience.

— Très bien, montre le moi dans ce cas.

Évidemment.

— Je, euh... ne l'ai pas sur moi.

— Harry, Harry, Harry... Quand est-ce que tu arrêteras de raconter des pipeaux, au sens figuré du terme.

— C'est marrant ça dis-moi, pouffa-t-il faussement. Sérieusement, je ne suis pas en droit de rentrer à l'heure qui me chante ?

— Je m'inquiète juste pour toi, elle se relâcha quelques secondes avant de reprendre son air fâché. Enfin, ce sont tes heures de travail. Tu te dois de les respecter.

Bla bla bla. Tout ça le fatiguait. Harry n'avait plus douze ans et jugeait qu'il était libre de sortir quand cela lui chantait sans avoir à demander l'autorisation à sa chef. Même si en réalité, Angélique avait le plus souvent un rôle maternel à ses yeux. Elle essayait toujours de le camoufler derrière un air autoritaire et froid, mais son comportement ne trahissait pas. Il lui souhaita simplement une bonne nuit avant de la contourner et de s'engouffrer à l'intérieur du bâtiment, vers sa chambre.

Il tomba raide mort dans son lit et s'endormit peu de temps après sans même le voir venir. Il était vraiment fatigué de sa soirée et espéra pouvoir se reposer suffisamment avant la journée qu'il avait prévu pour le lendemain.

Durant la nuit, son esprit s'éloigna vers un monde féerique comme il l'aimait tant. Et ce sans même avoir besoin d'un quelconque sable pour l'y envoyer. Il rêva de Louis. D'une façon si nette qui s'en souvint parfaitement à son réveil plus tard dans la matinée. Il était là, assis sur le bord d'une fontaine romaine, une flûte de Pan entre les doigts, les lèvres autour des morceaux de bois assemblés. Il ressemblait à un dieu. Un vrai dieu, celui qu'on trouve au-delà des nuages, dans les sièges de marbre de l'Olympe. Les rayons du soleil éclaircissaient ses cheveux châtains, ainsi que ses yeux, presque transparents à la lumière. Puis il était nu. Les fesses directement posées contre la céramique blanche de la fontaine et le sexe caché par ses jambes croisées. Sa peau dorée contrastait incroyablement bien avec la blancheur de la construction sur laquelle il se reposait. Et c'était beau, innocent, sage. Rien de tout cela n'était vulgaire. Les gens qui circulaient autour étaient parfois nus eux aussi, mais cela n'avait rien de semblable avec la pureté du corps de Louis. Il avait envie de le toucher, caresser sa peau de soie et la recouvrir de doux baisers tièdes, au creux des hanches, en-dessous du nombril, entre ses jambes, sur son front, son cou... partout.

Puis il s'était réveillé au moment où il s'approchait enfin de lui, après l'avoir observé souffler dans la flûte pendant un temps.

Il n'en revenait pas. Comment était-ce possible de rêver de cette manière d'une personne que l'on avait vu seulement deux fois, le temps de cinq minutes ? Il en était choqué, sur le cul. Il resta allongé dans les couvertures plusieurs minutes de plus, le temps de digérer les images qui passaient toujours devant ses yeux. Il voudrait les oublier, les avaler et ne plus les voir. Il se sentait mal d'avoir violé l'espace privé de Louis de la sorte, même dans son inconscient. Mais putain, tout était si clair, et si beau —trop beau— pour l'oublier.

Une minute [larry]Where stories live. Discover now