Partie une

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    Vingt-trois heures passées. La nuit était tombée sur la capitale il y a plusieurs heures déjà. Seuls les lampadaires à la lumière orangée illuminaient un temps soit peu les trottoirs et donnaient une ambiance angoissante. Les soirées à Copenhague ressemblaient toutes à la nuit d'Halloween et son ambiance frissonnante. Sous cette faible luminosité automnale se trouvaient quelques bars encore ouverts, où quelques personnes buvaient tranquillement. Souvent, c'étaient les mêmes groupes qui se retrouvaient et discutaient jusqu'à pas d'heure. Harry les reconnaissait, leurs visages et leurs rires gras, parfois même cassés. Il n'y prêta pas tant attention.

Il préféra regarder son reflet dans l'eau du fleuve, sur lequel il fut en train d'avancer. Il vit, au-dessus de sa tête, le reflet scintillant de la lune à la surface, ainsi que les quelques nuages peu épais qui masquaient la pénombre du ciel, et bien évidemment, son visage. Harry avait tendance à fixer les boucles qui tombaient devant ses yeux trop longtemps et manquait souvent de heurter quelque chose lors de son trajet. Autour de lui, près des quais, étaient amarrés des dizaines de bateaux les uns à côté des autres. Ses yeux s'attardaient parfois sur les coques de ces derniers, sur lesquelles étaient peints les noms donnés à chaque bateau. La fraîcheur de l'eau contre ses orteils et sur la plante de ses pieds le fit frissonner. De plus, des gouttes mouillèrent le bas de son pantalon noir et cela l'embêta fortement. Il n'eut pas envie que que la dentelle sombre présente au bout de chaque jambe soit abîmée par les acidités du fleuve. Il se sentait déjà assez coupable de massacrer son collant en résilles en enfonçant directement son pied dans l'eau sale. Mais ce fut plus fort que lui. La sensation de voler sur le fleuve était tellement agréable que, rien que pour ça, il pourrait racheter tous les collants du monde. Parce que cela, personne d'autre ne pouvait le faire à part lui. Il était le seul à pouvoir voguer au milieu des cours d'eau de la ville sans que personne n'ait à le voir. Souvent, il se prenait pour une fée. En y réfléchissant, il n'avait pas totalement tord.

Harry transportait dans sa poche une petite bourse remplie de sable dorée. D'après ce qu'on lui avait dit, il venait d'Akkaris, une planète entièrement recouverte de déserts et de dunes. En tout cas, il était très précieux. Ce dernier permettait aux enfants sages de faire de jolis rêves en déposant un seul grain au creux de chaque œil. Harry faisait partie des trois marchands de sable qui s'occupaient d'endormir paisiblement la ville de Copenhague. En se rendant invisible, il pouvait s'introduire silencieusement dans les chambres de tous les enfants de trois à dix-sept ans sans que personne ne s'en rende compte. Ici, la légende du marchand de sable n'était rien qu'un conte que l'on racontait aux enfants afin de les inciter à bien se comporter. De plus, l'existence mystérieuse du marchand de sable au Danemark est une histoire connue qui vit au sein de —presque— toutes les familles. C'est pourquoi il était important de ne jamais se faire voir, car dans le cas contraire, des générations de mythes viendraient à s'effondrer.

Ce soir, la liste du marchand de sable indiqua des milliers d'enfants à visiter. La fin de soirée s'annonçait très longue pour Harry. Sans parler du fait qu'un temps limité était imparti pour cette mission, car après une heure du matin passée, les enfants de la ville furent tous plongés dans un sommeil profond et la plupart avaient besoin de rêve pour alimenter leurs nuits. Il y arriva toujours. Harry avait l'habitude maintenant, il maîtrisait parfaitement l'art de s'envoler au-dessus des toits et le slalom entre les différentes cheminées qui dépassaient à l'horizon.

Avec le temps, il avait appris à mémoriser une sacrée bonne partie des prénoms et avait même des préférences. Il y avait des appartements dans lesquels Harry préférait davantage venir car les enfants étaient mignons à croquer. Il adorait les enfants, c'était pour cette raison qu'il avait décidé de devenir l'officiel  Marchand de Sable. Il admirait l'insouciance chez eux et la façon qu'ils avaient de vivre simplement sans n'avoir peur de rien, ni des répercussions, ni de rien. Il espérait chaque jour découvrir l'existence de Peter Pan pour pouvoir s'envoler vers l'île aux enfants et ne plus jamais grandir. Après avoir rendu vivante la légende de ce qu'il est, plus rien ne l'étonnera. Mais pour l'instant, Harry n'avait pas vraiment d'autre choix que de continuer à travailler pour l'entreprise de féerie qui l'avait sauvé à la fin de l'hiver dernier. Jamais il n'oubliera tout ce qu'ils avaient fait pour lui.

Une minute [larry]حيث تعيش القصص. اكتشف الآن