† QUATORZE †

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Après ma rencontre avec Lehb au cimetière, j'ai décidé de suivre mon intuition et de me rendre à mon ancienne maison

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Après ma rencontre avec Lehb au cimetière, j'ai décidé de suivre mon intuition et de me rendre à mon ancienne maison. J'ai la conviction que je pourrais y dénicher quelque chose qui m'a échappé durant des années. Elle se situe à quelques kilomètres de là, à la limite de Traverse City. Lehb a insisté pour m'y emmener avec sa voiture. Il est collant, mais persuasif. Il ne lui a fallu que trois essais pour que j'accepte, peu convaincue par l'idée de prendre le bus jusque là-bas. Heureusement, l'adorable Fiat 500 de ce dernier est très confortable ; bien plus que les sièges du vieux bus moisi que je prends tous les matins pour aller travailler.

Durant la route, nous discutons un peu. Je veille à ne pas lui dévoiler des pans trop personnels de ma vie, sous peine de l'effrayer, mais lui... C'est un moulin à paroles ! Il a toujours un sujet à raconter, une anecdote et j'avoue que durant une seconde, j'ai oublié ma destination en me laissant porter par ses histoires d'apparitions paranormales auxquelles il aurait assisté. De la pointe de ses cheveux jusqu'à celle de ses chaussures vernies, cet homme est un mystère ambulant. À l'image de l'écrivain qu'il est, on peut dire qu'il sait tenir son auditoire en haleine et ça le rend attirant, hypnotisant. Même ses CD de musique plantés dans son poste-radio sont étranges. Qui écoute du Chopin ou du Beethoven de nos jours, hormis les vieux ?

Je suis tellement absorbée par son univers loufoque que je ne m'aperçois qu'au dernier moment que nous sommes arrivés.

Cette fois, la tension remonte drastiquement. Par la vitre, ma vision capte la stature d'une belle demeure à deux étages. Mon cœur se serre, terrassé par l'avalanche de souvenirs. Ça fait si longtemps que je n'y suis pas venue, ça a tellement changé. Or, je réponds aussitôt à la question de Lehb, à ma gauche, qui me demande :

— C'est ici ?

— Oui... C'est bien ici.

L'œil greffée sur mon ancienne maison, je suis la première à descendre de la voiture garée sur le trottoir d'en face. Je suis absorbée par les flashs de mon enfance, attirée tel un aimant vers la haie bien entretenue du jardin. Je sens le regard de Lehb dans mon dos, il m'a sûrement suivie en dehors du véhicule. Ça a tellement changé... Le quartier résidentiel est cependant toujours aussi propre. Les lignes d'arbres roussis par l'automne, bordant la route des deux côtés, sont toujours aussi épais et vivaces. Au milieu des autres, seule ma maison semble avoir connu un ravalement de façade. La peinture, autrefois blanche, est devenue jaune pâle, lui donnant meilleure mine. Ma balançoire sous le saule pleureur, sur laquelle je passais des heures autrefois, a été retirée pour être remplacée par une piscine. Même les jardinières de roses rouges qu'adoraient ma mère ne sont plus là.

Ça me donne la boule au ventre au point que les larmes me montent.

— Tout va bien, Sephora ?

La voix de Lehb me ramène brusquement à la réalité. Je me retourne lentement et le dévisage ; il se tient derrière mon dos, les mains dans les poches et l'œil froncé. Mon arrêt sur image incontrôlé a dû l'inquiéter.

𝐋𝐄𝐒 𝐄𝐍𝐅𝐀𝐍𝐓𝐒 𝐀𝐔𝐗 𝐘𝐄𝐔𝐗 𝐃'𝐄𝐁𝐄𝐍𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant