† TROIS †

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L'aube me tire de mon sommeil

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L'aube me tire de mon sommeil. Je grimace, mes yeux brûlent. Le soleil est si agressant de bon matin. J'ai si peu dormi, la fatigue et l'inconfort se ressentent sur mon corps lorsque je me redresse. La totalité de mes os craque de concert. Un gémissement s'échappe de mes lèvres. J'ai vraiment dormi sur le tapis, au milieu du salon ? 

Après la soirée désastreuse d'hier soir, ça ne m'étonne même pas. J'étais si abattue, si épuisée, si effrayée. Shayne n'a rien compris, il me croit dingue. Il croit que ces enfants n'existent pas, que j'ai tout inventé. Mais pourquoi j'aurais fait ça ? Qu'est-ce que ça m'apporte de mentir ? Que va-t-il penser de moi, maintenant ? Je ne peux pas imaginer son jugement à mon égard. Pas le sien. Il n'en a jamais eu. Il m'a toujours soutenue, alors pourquoi ?

Pourquoi ne pas m'avoir aidée ?

Lentement, j'appuie mon dos contre mon canapé, les idées encore assoupies. La fraîcheur matinale dans mon appartement me fait frissonner. Je suis encore nue, ça n'aide pas à capturer la chaleur. D'un mouvement las, je frotte mes yeux collés par le sel et leur rugosité me fait mal. Je retire de ma bouche pâteuse une mèche de cheveux engluée de salive. Dégueulasse ! En regardant l'heure sur l'horloge murale, je vois entre deux vagues qu'il est presque sept heures.

Fait chier ! Je vais être en retard !

Je me relève en titubant et pars me débarbouiller de la veille. J'ai oublié que je travaillais aujourd'hui. La poisse... Être assistante dentaire est un travail qui me plait plutôt bien, on va dire. Le seul désavantage, c'est le dentiste : Monsieur Daniel Marsch, quarante ans, un sourire éclatant et une adoration sans limite pour les petites culottes en dentelle. Rien à voir avec le célèbre docteur et ses quatre filles. Il est charmant, certes, mais il utilise ce charme à mauvais escient, selon moi.

J'ai du mal à faire disparaître le noir à mes yeux, et même la meilleure eau micellaire du monde ne saurait me défendre. Le combat est rude, mais j'y arrive. Je passe un coup de peigne rapide dans mon carré lisse, puis redonne un faible coup d'anti-cernes et de mascara à mes yeux noisette vert pour les rendre moins tristes et fatigués. Ça fera l'affaire. Les quelques tâches de rousseur qui se baladent sur mon nez apportent de la légèreté enfantine à mon visage que je juge parfois trop durement. Malgré mes allures de fille forte et autoritaire, un manque viscéral de confiance se pend à mon cou depuis toute jeune et m'épuise.

Ma vie entière m'épuise.

Une fois prête et habillée, je quitte enfin mon appartement sur les chapeaux de roues. Je n'ai même pas le temps d'avaler quelque chose avant de partir et ma tête tourne encore par moments. Dans le bus qui m'emmène sur mon lieu de travail, je dois me faire violence pour ne pas m'endormir. Mes yeux sont collés à la vitre, observant les paysages urbains qui changent et s'animent sous le soleil levant. Je ressens les regards des gens qui glissent sur moi. Ils me dévisagent, comme si j'étais une créature extraordinaire. Certains parlent au téléphone, crient à leur patron qu'ils arrivent dans quelques minutes et d'autres somnolent sur leur siège. De jolies femmes se tiennent debout, accrochées à la rampe de maintien, essayant d'ignorer les regards pervers et l'effluve malsaine de la libido masculine, tandis que des adolescents, écouteurs aux oreilles, se font exploser la cervelle à coup de rap américain.
Et au milieu de cette pluralité, il y a moi, qui vient de sortir lentement mon smartphone pour enfin m'enquérir de mes messages.

𝐋𝐄𝐒 𝐄𝐍𝐅𝐀𝐍𝐓𝐒 𝐀𝐔𝐗 𝐘𝐄𝐔𝐗 𝐃'𝐄𝐁𝐄𝐍𝐄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant