I. La monotonie d'une vie

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Comme tous les matins, le réveil sonna et il fut le premier à se lever. Negan se redressa sans broncher, déliant la fatigue matinale d'un geste en frottant ses paupières encore lourdes. Il posa un premier pied au sol, le parquet déjà tiède accompagna ses pas jusqu'à la cuisine. En passant la porte, l'homme se tourna en baillant, constatant d'un regard embrumé mais toutefois pétillant, celle qui côtoyait ses nuits. Lucille. Ses cheveux bruns ébouriffés venaient s'échouer sur le moelleux de l'oreiller. Il resta quelques secondes à la contempler, appuyé contre le mur. La femme restait immobile, encore endormie. Comme elle était belle. Alors que ses yeux parcouraient son corps, le visage de Negan se crispa soudainement et il soupira de lassitude en balançant sa tête sur les côtés. Il ne devait pas se voiler la face à la vue des charmes qu'elle exposait.


Depuis plusieurs mois maintenant, ils ne s'adressaient que rarement la parole. Lucille reprochait à son mari ses propos déplacés à longueur de journée. Mais il était ainsi et n'allait pas changer, même pour sa propre épouse. L'homme quitta la pièce pour trouver la cuisine, ses pieds nus continuant à frôler le sol pour trouver désormais un carrelage froid qui le fit grimacer. Il attrapa d'une main habile une tasse afin de préparer son habituel café. La routine déjà bien installée avait brisée une partie de leur union. Comme tous les matins, il se prépara rapidement. Le temps de patienter que le bien si précieux soit prêt et fumant, il se doucha.

Malgré l'atmosphère électrique qui s'était emparée de leur foyer, Negan faisait attention à ne pas réveiller sa femme. Au fond de lui, sa nature le tentait à l'ignorer pour n'écouter que ses envies et ses besoins. Or, il la respectait beaucoup trop pour oser briser les codes installés. Il l'avait choisi, elle l'avait accepté. Il aimait suivre les règles, et plus particulièrement lorsqu'elles lui donnaient l'avantage. Mais Lucille était sa femme et même si son tempérament impulsif le poussait à penser des choses, il les regrettait par la suite. Elle savait choisir les mots justes. Elle savait calmer ses nerfs et dompter son caractère agressif. Combien de temps cela pourrait-il durer ?


Negan attrapa une serviette pour l'enrouler autour de son corps humide. Il utilisa son rasoir pour paraître le plus lisse possible. Les weekends, il n'était pas le genre de personne à prendre soin de lui. Toutefois, dès qu'il fallait se montrer en public, il se voulait impeccable. Avec lenteur et précision, les lames parcoururent ses joues rugueuses. Le parfum qu'il vaporisa au niveau de sa nuque et de son torse fut la dernière touche de soin apportée. Tout en posant ses paumes contre le lavabo, il se mordit la lèvre tourmenté. Il se questionna quant à l'avenir qu'il souhaitait réellement. Professionnellement, tout se déroulait pour le mieux. Hormis quelques convocations suite aux plaintes de parents concernant son langage grossier envers les élèves, ou des désaccords agités dans la salle des professeurs, il n'avait pas à se plaindre. Néanmoins, ce qui venait perturber ses pensées restait son retour à la maison, chaque soir. Chaque soir, il voyait Lucille, la mine fermée s'occuper à cuisiner ou l'attendre de pied ferme devant la télévision. Depuis peu, elle s'était montrée méfiante, et la distance qui les séparait était obstruée par une jalousie naissante. Et elle avait raison. Au début de leur relation, combien de fois avait-elle trouvé un papier froissé dans sa poche sur lequel était inscrit un numéro de téléphone ? C'était ainsi, il plaisait aux femmes et elle l'aimait. A elle de n'en vouloir qu'à sa propre personne. Elle avait réussi à l'amadouer, combien de temps supporterait-il encore cette ambiance pesante avant de redevenir lui-même ?


Negan enfila un t-shirt blanc et son jogging trop ample qui lui servait seulement à considérer son titre de professeur de sport. Il ne le mettait pas en valeur, loin de là. S'il pouvait modifier ce ridicule rituel, il ne s'en serait pas privé. La matinée ne faisait que commencer et il restait de marbre devant le miroir, à fixer son reflet. Il avait toujours eu des facilités dans le domaine sportif, surtout pour les exercices avec une raquette. Tennis, badminton, ping-pong, rien ne lui échappait et il demeurait le roi lors de chaque séance durant lesquelles il aimait provoquer ses élèves en duel. La provocation était ce qu'il préférait le plus. Voir les figures décomposées des adolescents voulant se pavaner devant leurs copines, pour se coltiner une défaite monumentale le faisait jubiler. Negan ne se considérait pas comme un véritable professeur, mais plutôt comme un enseignant apprenant les réalités de la vie à des jeunes en âge de comprendre le monde. Le sport en lui-même, il trouvait cette idée complètement stupide. Obliger des étudiants, notamment les filles qui râlaient au début des cours, à courir autour d'un terrain de baseball ne les mènerait à rien. Le brun en était persuadé : pour réussir, il fallait s'en donner les moyens et chercher à atteindre le succès en agissant. A quoi bon ces jeunes développaient leur maturité à jongler avec une balle.

Nous sommes les Sauveurs [Here's Negan I Prequel The Walking Dead]Where stories live. Discover now