Toutes les bonnes choses ont une fin, même la mauvaise

5 0 0
                                    

Parce que l'important c'est pas la chute, c'est l'atterrissage. Je suis tombé amoureux et, ma chute n'aurait pas pu durer éternellement. Ou peut-être que si, mais il est trop tard maintenant, et il serait temps que j'arrête de regretter. Je ne sais pas si je pourrai un jour.

Quand j'ai commencé à écrire ce passage du livre, je me servais le rôle de la victime. Dans les premiers jets, c'était elle qui me quittait. Les larmes coulaient sans bruit sur mes joues. Dans le téléphone, toujours allumé, résonnait la sonnerie occupée. Dans mon dos, le matelas, souvenirs compris. Devant moi, rien. Un plafond. Blanc. Limpide. C'est tout ce qu'il me restait.

Et puis finalement, il a bien fallu que je l'accepte. C'est moi qui suis parti. Oh bien sûr, je suis revenu après, rampant même, oubliant tout ce que la vie m'avait appris à propos des mensonges des Cœur Grenadine.

Encore aujourd'hui, je m'en bouffe les doigts. Peut-être parce que je ne vois rien de concret. Parce que je pleure cette intimité perdue.

Nous ne partageons plus que quelques souvenirs, que tu finiras de toute façon par oublier.

Je l'ai quittée sur un coup de tête, parce que je n'arrivais pas à me voir autrement qu'avec elle, et que ça me faisait peur. Elle était mon premier amour partagé, et je n'arrivais pas à accepter qu'elle serait peut-être le seul. J'avais dans mon entourage tant de couples qui duraient, et dont j'avais vomi l'existence même pendant plusieurs années, que je ne voulais pas leur ressembler. Je ne veux toujours pas. Et pourtant je regrette.

Je l'ai laissée comme ça, parce qu'une jolie brune m'avait fait croire que je lui avais tapé dans l'œil. Elle était douce et gentille. Et elle avait vu l'inscription pigeon sur ma gueule. Le temps que je comprenne, il était trop tard. De toute façon, j'avais merdé en te disant que c'était terminé, quoique je fasse, rien n'aurait plus jamais été comme avant.

Et depuis je me sens incomplet. Comme si la petite route que nous avions commencée ensemble, s'arrêtait brusquement sur un chantier désert. Pas un ouvrier à l'horizon, et des outils à l'abandon. J'ai essayé de les utiliser pour finir la chaussée seule, mais tu étais déjà parti avec un randonneur, un poilu, qui passait par là.

J'ai l'air con aujourd'hui, avec ma pelle à la main et la pioche dans le dos, le casque jaune sur la tête et cette route imparfaite.

J'ai bien essayé d'embringuer la brunette quelques temps, histoire de finir le gros œuvre, mais elle s'était bien foutue de moi. Je devais l'amuser, avec ma dégaine de chef de chantier. Je goudronnais mon chemin, elle faisait mine de m'aider, se saisissait d'une brouette, la traînait d'une démarche lancinante sur quelques mètres, avant de la lâcher soudainement, quand j'essayais de l'embrasser.

Je lui ai offert une rose. Elle a ri. Je n'ai jamais vu la couleur de l'autre moitié.

Je ne t'ai jamais offert de fleurs. J'aurais dû. Je m'en veux pour ça aussi. Il y a tant de choses que j'aurais voulu faire pour toi...

Et mes draps, imprégnés de ton odeur. Quelques uns de tes cheveux épars. Et la fusion de nos corps, comme un relent amer qui flotte dans l'air de ma chambre. Nos premiers ébats. Ta langue. Ta bouche. Tes mains. Tes pieds. Ton ventre. Tes seins. Tes hanches. Tes fesses. Tes yeux. Ton cœur.

Cette première fois à laquelle j'ai attaché tant d'importance, et qui n'est sûrement qu'un vague moment de ridicule, que je magnifie dans mes souvenirs. J'avais beaucoup pensé à cet instant. Je l'avais imaginé. Retourné dans tous les sens dans ma tête de puceau. Et puis il est finalement arrivé. Avec son lot d'ennuis, de gênes, de fous rires incontrôlés, et de complicité. Parce que chacun dans notre coin, sans vouloir se le dire, nous savions que ces quelques heures que nous partagions, ces déboires, cet amour, nous appartenaient. Un souvenir que nous seul partagerions, jusqu'à la fin de nos jours. Et il s'effacera sûrement au fil du temps, des aventures, des amants, mais je suis convaincu qu'il restera toujours dans un coin de nos deux têtes. Nos chairs se sont mélangées. Nos corps n'avaient ni endroit, ni envers. De nos pores glissaient les fluides qui scellaient notre union. Elle n'était pas immortelle, mais elle existait, elle était vraie. Et si finalement, elle n'était pas si exceptionnelle cette première fois, jamais je ne la regretterai. Parce que j'étais prêt. Parce qu'elle était la bonne.

C'est tout le mal que je vous souhaite.

Qu'au-delà des problèmes que vous pourrez rencontrer, de la peur, de l'envie, de la débandade, des essais inachevés, il y ait ce sentiment unique. Celui qui te fait faible, à la merci de l'autre, de son bon vouloir. Parce que tu sais que sans l'autre, tu ne serais plus rien. Et à la fois, celui qui t'offre une plénitude qui te semblait jusqu'alors inaccessible, une sérénité nouvelle qui te fait tout oublier. Ta vie n'est alors plus que dans sa bouche et ses bras. Le temps s'arrête. Le concept même s'évanouit. Il ne passe plus, il attend. Il attend une sonnerie de téléphone portable, la clé de ta mère dans la serrure, ou le réveil qui sonne, pour reprendre brutalement son cours.

Vous voudriez tant le faire attendre encore et encore...

Aucune sensation n'est plus forte, n'est plus douce, n'est plus apaisante, que celle du soupir de celui ou celle qu'on aime, alors que les peaux flirtent dans la moiteur d'un amour partagé.

Je dois me faire une raison, elle a trouvé le souffle d'un autre. Le mien ne sert qu'à faire tourner les ailes des moulins qui hantent mes nuits, et à souffler seul les bougies que l'on avait allumées à deux. Il n'y en a qu'une qui se rallume à chaque fois que l'on se croise. Une toute petite, presque invisible, cachée derrière un poumon, qui me serre la gorge, me tord le ventre. Une petite bougie infatigable au fond de mon cœur, qui ne brûle et ne brûlera que pour toi.

Je dois me faire une raison...

Aujourd'hui, les draps ne sentent plus ton odeur ; ils puent juste la sueur et les cauchemars.

L'amour avec un traversinWhere stories live. Discover now