CHAPITRE 41 : un souffle d'amour.

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Ange ferma les yeux pour savourer les rayons de soleil qui filtraient à travers la vitre. La fenêtre entrouverte lui apportait une brise tiède qui faisait voleter les rideaux. Un oiseau se posa brièvement sur le rebord et siffla une mélodie chantante. Un autre lui répondit, non loin de là, et il s'envola, le laissant à nouveau seul avec pour seul bruit les battements parfois irréguliers de son cœur, retranscrits par électrocardiogrammes. Son père ne pourrait venir qu'en début d'après-midi, une fois que tout serait en règle à la ferme, et sa mère avait un rendez-vous médical de suivi de grossesse à l'autre bout de l'hôpital.

Ces moments de solitude étaient à la fois source de paix et d'angoisse. Il pouvait se recentrer sur lui-même, ne pas être témoin de la tristesse de ses proches. Néanmoins, c'était aussi de longues heures durant lesquelles il s'enfonçait dans la terreur.

La porte de sa chambre s'ouvrit et il se fendit d'un sourire en voyant Marin, un sachet de fast-food à la main. Il inspira avec bonheur l'odeur des frites et des hamburgers.

— T'es le meilleur, soupira-t-il en se décalant dans son lit.

Sans être mauvaise, la nourriture de l'hôpital était loin d'être excellente. Il s'était donc autorisé un caprice. Même si la simple idée de le laisser une seule seconde lui coûtait, Marin avait consenti à faire un saut au McDonald's le plus proche. Le soigneur animalier embrassa son front et s'installa près de lui, avant de commencer à déballer les sacs.

Ange mordit dans son sandwich en jetant un coup d'œil au repas de son petit-ami, bien moins conséquent de d'habitude. Sa gorge se serra, mais il parvint à conserver un semblant de sourire. Marin se maîtrisait presque à merveille. Il se montrait fort, pour lui, mais Ange avait surpris les ravages de la tristesse sur son visage, alors que son homme le pensait endormi. Parfois, il semblait tout simplement perdu, comme si la situation lui échappait et devenait tout à coup impossible à croire. Il s'enfonçait alors dans le silence, plongé dans des réflexions qui échappaient au blond, le regard vide et hanté.

Ce qu'il avait redouté arrivait beaucoup plus rapidement que prévu. Une colère sourde bouillonnait en lui, épuisante et sans solution. Il savait que les vingt années estimées par les médecins n'étaient qu'une moyenne, que certains allaient au-delà, que d'autres n'avaient pas cette chance. Pourtant, l'injustice lui faisait haïr le monde entier. Il avait encore trop à faire dans sa vie pour mourir. S'il partait bientôt, alors Charlotte n'aurait jamais aucun souvenir de lui. Elle n'apprendrait à le connaître qu'à travers des photographies et vidéos. Ses parents seraient dévastés, mais ils n'étaient plus seuls, un autre enfant les aiderait à surmonter la perte.

C'était comme si la vie lui avait tout donné en l'espace d'une année. Elle avait comblé le moindre de ses manques et décidait tout à coup de tout lui reprendre.

Ange reposa son hamburger, incapable de terminer les quelques bouchées qui lui restaient. Le simple fait de manger l'épuisait. Il picora quelques frites pour donner l'illusion et posa sa joue contre l'épaule de son petit-ami. Ils avaient eu si peu de temps. C'était un déchirement de le laisser repartir seul en Bretagne, où ils avaient tant de souvenirs. Par chance, il serait bien entouré. Ange priait pour que qu'il ne repousse pas ses amis sous la force du chagrin.

S'il avait su que la fin s'approchait si vite, aurait-il cédé à Marin ? Probablement pas. Cette pensée l'attristait. Malgré tout, l'homme qui se tenait à ses côtés lui avait fait découvrir une vie qu'il n'aurait pu imaginer, un amour qu'il n'aurait jamais connu. Il aurait aimé prendre toute la peine de Marin, pour le soulager en partant. Il finirait probablement par rencontrer un autre garçon.

Ange ferma étroitement les paupières et chassa cette pensée. Il s'interdisait d'y penser.

— Le médecin est passé ? s'enquit Marin.

Entre ciel et merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant