CHAPITRE 28 : retrouver sa place.

3.7K 392 78
                                    

Ange baissa les yeux sur sa tasse de thé fumante et grogna en constatant que le sablé qu'il trempait dedans venait de se casser. Il attrapa sa petite cuillère pour repêcher le gâteau et grimaça alors que sa texture molle fondait sur sa langue.

— Tu n'es pas obligé d'y aller si tôt, lui rappela son père. Célian peut se débrouiller, tu le rejoindras un peu plus tard dans la matinée.

— Non, c'est bon, s'entêta Ange.

Il termina son thé vanille en veillant à ne pas boire les miettes ramollies au fond de sa tasse, et rangea derrière lui. Laisser Célian s'occuper tout seul du marché lui paraissait inconcevable. Le réveil avait été compliqué et ses yeux restaient difficilement ouverts, mais il s'accrochait à sa volonté de retrouver ses habitudes. Dehors, le soleil ne s'était pas encore levé. L'idée de mettre le nez hors de la maison, de quitter sa chaleur, lui déclenchait des frissons.

— Je vais commencer à charger la camionnette, annonça Thomas.

Ange hocha la tête, sans vraiment le regarder, et regagna sa chambre pour s'habiller chaudement.

Il n'avait pas réussi.

La veille, il avait paniqué et s'était révélé incapable d'avouer à ses parents que Leïla et lui venaient de rompre. Leur annoncer qu'il aimait un garçon s'avérait bien plus difficile qu'il ne l'imaginait. Il ne voulait pas effacer leur sourire. La main de sa mère, qui reposait souvent sur son ventre, lui rappelait sa fragilité.

L'étudiant en droit s'assit sur son lit, la gorge nouée. Sa confiance s'effritait à mesure que le doute s'immisçait. Et si ses parents ne l'aimaient pas assez fort pour comprendre ? Le cœur serré, il attrapa son téléphone et ouvrit sa messagerie.

De : Ange.

À : Marin.

Passe une bonne journée. On s'appelle ce soir ?

Ange avait passé sa soirée de la veille avec Leïla et ses parents. Il avait simplement envoyé un message à Marin pour l'informer qu'il avait quitté la demoiselle. Il avait deviné son soulagement et sa joie, mais le soigneur animalier ne l'avait pas brusqué, se contentant de lui demander comment il se sentait.

Là, tout de suite, il avait envie d'entendre sa voix. Il avait besoin de son assurance, de son réconfort.

Ange finit par quitter la maison, afin d'aider son père à charger la camionnette. Habituellement, c'était sa mère et lui qui se rendaient au marché. Il n'avait pas besoin d'aide pour s'en sortir, mais son père avait insisté pour que Célian l'accompagne, puisqu'il s'occupait désormais du stand de la ferme, tous les samedis. Ange s'installa derrière le volant et conduisit les cinq minutes qui le séparaient de la place du village. Sa mauvaise humeur augmenta d'un cran lorsqu'il vit l'employé de ses parents lui faire signe, un sourire idiot plaqué sur les lèvres. Ange se gara sur son emplacement et descendit du véhicule.

— Salut. Tu vas bien ? questionna le rouquin. On a de la chance, il fait plutôt doux ce matin.

L'étudiant plissa les yeux en se demandant s'il plaisantait ou non. Ils n'avaient visiblement pas la même définition du mot « doux ». Tant d'enthousiasme de si bon matin cachait forcément quelque chose.

— Ça va. Et toi ? se força-t-il à ajouter, comme le voulait la politesse minimale.

— Tout va bien. Je vais commencer à installer.

À l'aise, Célian ouvrit les portières à l'arrière de la camionnette sans difficulté. Elles coinçaient depuis qu'Ange les avait enfoncées en reculant dans un poteau, mais le nouveau venu avait visiblement compris la technique pour les débloquer.

Entre ciel et merWhere stories live. Discover now