Notre histoire n'est pas une Tragédie.

22 : Merci Loki

– Delirium tremens.

– Pardon ?

Dans les couloirs silencieux de l'hôpital, la femme médecin répète.

– Delirium tremens. Il se définit par une confusion aiguë, une grande agitation et des tremblements. Pour faire simple, ce dérèglement dû au sevrage après une grosse et longue consommation d'alcool provoque une forte hypertension, une déshydratation, de la fièvre et peut causer la mort si il n'est pas pris en charge, comme ça était le cas pour Monsieur Dime… Je suis désolée.

– Je ne comprends pas... Comment c'est arrivé ?!

– Votre ami était alcoolique depuis de nombreuses années. Ce n'était plus son esprit qui était devenu addict, mais bien son corps. Vous voyez une consommation excessive d'alcool va anesthésier votre cerveau, lors de son arrêt brutal cela provoque une hyperexcitabilité cérébrale qui peut ensuite mener à ce qu'on appelle le delirium tremens qui apparaît 24h à 48h après l'arrêt de la consommation d'alcool.
Les alcooliques se font généralement suivre par des professionnels pour éviter ce genre de problème et ont donc un sevrage de l'alcool dit graduel... Malheureusement je vois sur son dossier que votre ami n'a jamais été accompagné par aucune aide médicale que ce soit.

– Mais… ça n'est pas possible... Il a arrêté de boire il y a plusieurs mois maintenant...

– Viviez vous avec lui ? Quelqu'un était-il avec lui pour le surveiller quotidiennement ?

– N… non.

– Madame, je suis désolée de vous dire ça mais votre ami devait continuer de consommer de l'alcool quotidiennement...

– Je ne l'avais jamais remarqué...

– Certaine personnes sont très douées pour masquer leur état d'ébriété constant… ce n'est pas de votre
faute.

Mes yeux fixent le sol. Bien sûr que c'est de ma faute, Matthieu était mon meilleur ami et je n'ai rien vu
venir !

– Madame, la femme médecin pose une main sur mon épaule, ce que vous avez vu est horrible. Si vous voulez
que je vous recommande un psy ou...

– Non ça ira ! Je la coupe.

– D'accord... avez vous quelqu'un avec qui rentrer ? Après un événement pareil, je vois déconseille de rester seule enfermée chez vous.

– Oui mon collo... petit... copain, devrait arriver d'un moment à l'autre.

– Très bien, je suis désolée je dois vous laisser, on m'attend.

– Pas de problème, merci docteur.

Elle sourit avec une once de pitié dans ses yeux et s'en va, me laissant seule dans le couloir silencieux et froid de l'hôpital.

– Frida ?

Je tourne ma tête. Loki est à l'autre bout du couloir.

– Loki...

Il court vers moi et m'enlace, me serrant fortement contre lui.

– Frida, je suis désolé !

Je glisse mes bras autour de lui et viens poser ma tête sur son épaule.

– Désolé de quoi ? Je réponds difficilement comme si la tristesse me coupait le souffle.

– J'aurais dû être là… ce que tu as dû voir a du être horrible...

Soudainement la vison du corps inanimé de Matthieu me revient en tête et je semble réaliser en fin la vérité … Matthieu est mort… et plus jamais je ne pourrais lui parler, le serrer dans mes bras...
Mon corps se met à trembler à nouveau et de chaudes larmes viennent couler le long de mes joues, je pleure. Mes jambes me lâchent, Loki m'accompagne dans ma chute tout en gardant ses bras autour de
mon corps sanglotant. Je sens ses bras se resserrer autour de moi, il pleure aussi.

Nous restons ainsi, enlacés, à pleurer, pendant de nombreuses minutes.
Quand nous nous calmons enfin, nous nous dirigeons vers le parc le plus proche de l'hôpital et Loki me
laisse quelques minutes, seule et songeuse, sur le banc.

Quand il revient, il affiche un doux sourire de compassion et me tend une glace à l'eau. Une entièrement bleue comme le ciel, ma préférée.

Je l'attrape délicatement et il vient s'installer à côté de moi.

– Loki, pourquoi tu m'aimes ? Je demande tout en fixant les nuages, attendant la réponse de Loki.

– Pourquoi tu m'aimes ? Je répète. Après tout je t'en ai fait baver… j'ai eu un comportement irresponsable, je suis timide et n'aime pas aller vers les gens, je pleure souvent, je suis facilement en colère... Pourquoi moi ?

Je tourne ma tête vers Loki, attendant sa réponse.

– Je t'aime parce que tu es forte.

– Je suis forte ?

– Oui, tu n'abandonnes pas facilement, tu ne te laisse pas marcher sur les pieds. Malgré les horribles choses que tu as vécues, tu ne te laisses pas abattre, tu es toujours là à continuer d'avancer, à aller de l'avant ! C'est ça que j'aime chez toi Frida...

– Ho… c'est...

– Gentil ? Non c'est la vérité. Dit-il en affichant un grand sourire. Et tu sais ce que j'aime chez toi aussi ?

– Non ?

Il approche son visage vers ma glace et la lèche sensuellement tout en plongeant son regard dans le mien.

– J'aime quand tes joues deviennent rouges. Dit-il avec un sourire au coin avant de redonner un coup de langue sur ma glace et de se rasseoir avec un air fier.
Tout en essayant de calmer les battements de mon cœur, je lèche mon parfum sucré préféré comme si de rien n'était.
Je remonte les yeux au ciel et vois un avion sembler fendre un nuage.

– Irène doit être sur le chemin du retour maintenant… Elle… sera rentrée trop tard... Je laisse mon regard retomber sur le sol en même temps que ma glace.

Loki pose sa main sur la mienne.

– Ça doit être horrible… Je murmure en essayant de retenir mes sanglots. Ça fait des mois qu'ils ne s'étaient pas vus... Et elle rentre pour son enterrement… C'est horrible, Loki.

– Tu ne peux rien y faire...

– Je sais mais… je… ne...

– Frida… C'est bon arrête de te torturer l'esprit. Loki pose une main sur ma joue. Matthieu n'aimerait pas te voir dans cet état, il aimerait que tu gardes la tête haute, et que tu rigoles en pensant à lui, pas que tu passes ton temps à te morfondre.

Je hoche la tête et viens la poser contre son épaule.
Je ferme les yeux et inspire un grand coup.

– Merci Loki.