𝑾𝒉𝒊𝒔𝒑𝒆𝒓𝒔 𝒐𝒇 𝒕𝒉𝒆 𝑯𝒆𝒂𝒓𝒕 [ en correction ]

𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 3- "Les mots qui blessent"

𝑴𝒆𝒓𝒄𝒚

J'essaie de l'ignorer pour le reste de la matinée, mais ce n'est pas si simple. Chaque mot qu'il prononce résonne comme une provocation, même quand j'évite soigneusement son regard. Et puis, comme s'il voulait vraiment enfoncer le clou, Ange interrompt le professeur avec une question qui glace l'atmosphère :

- Désolé de vous couper, mais une question me taraude : pensez-vous qu'on peut ressusciter après un mois mort ?

Il me provoque... ou je deviens parano ?
Mon estomac se noue. C'est quoi cette blague de mauvais goût ? La classe éclate de rire. Aucun regard gêné, aucune réaction. Juste moi, crispée sur ma chaise, les muscles tendus. Pourquoi suis-je revenue ici, déjà ?

Le prof continue comme si de rien n'était, impassible. Mais Ange, lui, ne s'arrête pas. Il s'allonge nonchalamment sur sa table, comme une sirène échouée sur un rocher. Sérieusement, pourquoi il agit comme ça ?

Je veux me concentrer, mais ses mots tournent encore dans ma tête. Le stress m'épuise. Mes paupières s'alourdissent, et finalement, je cède. Je pose la tête sur mes bras croisés et je sombre.

Une sensation soudaine me tire du sommeil : des doigts passent doucement dans mes cheveux. Mon cœur bondit. Je relève brusquement la tête et tombe nez à nez avec un garçon brun aux yeux verts pétillants. Il sourit, amusé.

- Désolé, la Belle au bois dormant, mais on doit aller en permanence. La prof d'espagnol ne viendra pas.

Son sourire est désarmant. Je cligne des yeux, encore à moitié endormie.

- Oh... euh, merci, dis-je maladroitement.

- Moi, c'est Megan. Et toi ?

Il me tend la main, un geste simple mais inattendu. Je la serre timidement.

- Mercy.

- J'adore ton prénom. Allez, dépêche-toi, prends tes affaires !

Sans trop comprendre comment, je me retrouve à courir dans les couloirs à ses côtés. Tout est rapide, presque irréel. Quand on arrive en salle de permanence, il ne reste que deux poufs côte à côte. Je m'arrête net.

Tous les regards se tournent vers moi. Le temps semble suspendu. Ils me jugent, j'en suis sûre. Mes jambes refusent d'avancer, mes muscles se bloquent.

- Respire. Ça va aller, murmure Megan en attrapant doucement ma main pour m'entraîner vers les sièges.

Je le fixe, troublée. Comment il fait pour savoir ce que je ressens ?

On s'installe. Il me lance un sourire tranquille, comme s'il voulait dire que tout va bien.

- Désolé pour ce qu'Ange t'a fait. Il n'est pas méchant, tu sais.

- Pas méchant ? Il est surtout sacrément con, ouais.

Megan éclate de rire.

- Je vais pas te contredire. Mais t'es nouvelle ici ?

Je prends une grande inspiration.

- Pas vraiment. J'étais déjà là l'an dernier, mais j'ai dû arrêter. J'ai suivi les cours à distance. Cette année, j'ai voulu réessayer en présentiel... mais Ange ne m'a pas facilité les choses.

- Ouais, il peut vraiment être insupportable parfois. Tu sais quoi ? J'ai décidé que tu seras mon amie.

Je le regarde, interloquée.

- Pardon ? C'est quoi cette logique ?

- J'suis sérieux. T'as pas le choix, c'est comme ça, dit-il en riant.

Et, sans comprendre pourquoi, je ris aussi. Ce gars est étrange... mais il me fait du bien. La conversation glisse naturellement. Il parle beaucoup, trop peut-être, mais j'écoute. Ça me change.

Quand on retourne en classe, il insiste pour porter mon sac, sous prétexte qu'il est un « gentleman ».

- Bon toutou, je lâche en reprenant mon sac.

- RACISTE ! hurle-t-il d'un ton faussement outré.

Tous les regards se tournent vers nous. Megan éclate de rire sans retenue. Moi, je sens mes joues rougir. Et c'est là que je croise le regard d'Ange. Hautain. Froid. Un frisson me parcourt.

Le cours reprend, mais je n'arrive pas à me concentrer. Les mots d'Ange reviennent sans cesse :

Une abrutie pareille... incapable...

Pourquoi est-il aussi cruel ? Je refuse de croire qu'il est foncièrement mauvais. Il se cache peut-être derrière ses moqueries. Peut-être qu'il souffre, lui aussi.

Quelque chose tire légèrement ma chaise. Je sursaute.

- Calme-toi, c'est moi, dit Megan avec un sourire taquin.

- Mais t'es malade, tu veux que je fasse une crise cardiaque ?

- Désolé, Madame. Tu peux me passer la réponse maintenant ?

Avant que je ne réponde, la voix d'Ange fuse à travers la salle :

- Ne demande pas à une abrutie pareille. Elle n'est même pas fichue de venir en cours. Tu crois qu'elle a compris quelque chose, cette incapable ?

Ses mots me coupent le souffle. Dire qu'ils ne m'atteignent pas serait mentir.

- Ferme-la, Ange, lâche Megan, agacé.

- Je dis juste la vérité.

Je tends mon cahier à Megan en silence. Je n'ai plus la force de répondre.

Toute la journée, ses paroles me hantent. Elles s'accrochent à moi comme des ronces.

Quand je rentre, je suis vidée. Je m'effondre sur mon lit et ouvre mon roman préféré, prête à m'évader. Mais une notification clignote. Sarah.

Sarah, ma meilleure amie virtuelle. Cela fait cinq ans qu'on se parle sans interruption. Toujours là, toujours les mots justes. Même si je fais semblant de ne pas les entendre parfois.

[via message]
Moi :
- Je me suis fait un « ami ».
- Il est super sympa, il se fiche du regard des autres. J'aimerais être comme lui.

Sarah :
- UN ?! OUUH UN GARÇON...

Je lève les yeux au ciel, un sourire en coin. Sarah et moi, on est à l'opposé. Pour elle, l'amitié fille-garçon, c'est une illusion. L'amour est magique, parfait, comme dans les films. Pour moi, c'est bien plus compliqué. L'amour, c'est à la fois beau et moche. Jamais simple.

Je continue de lire ses messages, mais mes yeux se ferment peu à peu. Mon corps cède. Je m'endors sans m'en rendre compte.

Un bruit strident me réveille en sursaut. Mon réveil.

C'est déjà l'heure de retourner au lycée.

☆ ☆

NDA

Il y a des jours où le monde semble ligué contre nous. Où une phrase, un regard ou un rire suffit à faire exploser ce qu'il restait de notre courage. Ce chapitre, c'est un peu ça. Ce moment de flottement entre la colère et l'envie de disparaître. Mais c'est aussi la preuve qu'il suffit parfois d'une seule main tendue pour respirer à nouveau.