Chapitre 26 : Primordia

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Tandis que le groupe des huit adolescents avait surmonté la surprise de voir surgir un cavalier gris qu'ils pensaient morts, à des milliers de milliers de kilomètres de là, dans un monde qui n'était pas du tout le même, l'heure était grave.

Le peuple de Primordia, effaré, s'était vu annoncer la disparition tragique de plusieurs enfants et d'un Conseiller en chef. Lady Sinna, impassible, regardait le Grand Maître mentir de manière éhontée à la foule, leur servant un conte monté sur mesure.

- L'Ennemi, déclara-t-il, s'est emparé de leurs âmes.

L'assemblée poussa un cri d'effroi, les familles des disparus étouffaient leurs sanglots. La famille nombreuse d'Elwena pleurait la disparition des deux cousins, la petite Ilita retenant à grande peine ses larmes. Les parents d'Estrela et de Fonsico semblaient indifférents, mais à l'intérieur d'eux, la perte de leurs chers enfants les rongeait. Le père d'Esseni semblait perdu, les yeux dans le vague. Sa fille et son épouse avaient toutes les deux disparu, et beaucoup disaient que c'était pour lui le coup de grâce. L'Elnolu avait pourtant la curieuse impression que ce n'était pas la première fois qu'il perdait une femme. Personne ne pleurait Emy, elle n'avait ni famille ni amis. Pourtant, elle laissait derrière elle un grand vide là où elle s'asseyait chaque matin, à la Grande Bibliothèque. Le bibliothécaire regrettait ses discussions avec elle, car personne d'autre ne lui avait jamais adressé la parole.

En un mot comme en mille : l'assemblée était perdue. Elle avait besoin de réponses.

- Il est temps... d'en finir avec ce fléau.

Certains conseillers relevèrent la tête et échangèrent un regard étonné. Cette partie du discours n'était pas prévue.

- Il est temps pour Primordia d'instaurer une nouvelle ère de prospérité, sans crainte de voir surgir les ombres malignes d'un passé lointain.

Il fallut un certain temps à la foule pour saisir le sens de ces paroles, tant la formulation ampoulée du Grand Maître paraissait compliquée.

- Et c'est pourquoi, en ma qualité de Grand Maître, j'ai créé pour vous une armée.

Cette fois, la panique était clairement visible dans les yeux des conseillers, excepté dans ceux de Lady Sinna. Au signe convenu du Grand Maître, elle prit le sifflet qui pendait à une longue chaîne enroulée autour de son cou, et siffla trois coups brefs. De l'ombre du palais sortirent alors des cavaliers et soldats à l'armure dorée étincelant sous le soleil de l'après-midi.

Pour Lady Sinna, les voir était devenu une habitude. Ils gardaient le palais depuis toujours. Mais le peuple de Primordia était horrifié de voir s'avancer sur l'estrade cette armée, eux qui étaient certains de ne jamais connaître la guerre. Les enfants couraient se réfugier dans les bras de leur mère en pleurant, les adultes eux-mêmes auraient bien aimé que quelqu'un réponde enfin à leurs questions.

Mais la silhouette imperturbable du Grand Maître contemplait la panique grandissante sans rien faire d'autre que de sourire sous son capuchon.

Les conseillers, d'un même geste, se levèrent de leurs sièges. Les soldats dorés postés à proximité les tinrent en respect grâce à leurs lances et épées. Un Faniaki tenta de les désarmer, mais son essai était aussi efficace qu'un coup de poing contre un mur.

Les soldats ne bougeaient pas, ne cillaient pas.

Lord Rafi, que tout le monde pensait endormi, ouvrit d'un coup ses paupières fripées et brandit d'un air menaçant sa canne moussue.

- Traître ! Tu nous avais promis la paix, nous voilà piégés par une armée que tu as créée dans notre dos. Nous, conseillers, t'avons supplié de nous écouter et tu n'as rien fait. Honte à toi !

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