Chapitre 3 : Une drôle de cité

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- Ouaaaaaah. Bah dis donc, c'est grand.

Elwena se tourna vers son amie.

- Oui. Oui, c'est grand, admit-elle.

Aereng était absolument grandiose, avec ses bâtiments flottant dans le ciel bleu. C'était à se demander comment tout ce marbre réussissait à tenir sur les nuages en suspension. Cette cité était l'oeuvre d'un véritable génie ! Les Aerifi étaient d'une intelligence hors du commun, c'étaient eux qui s'occupaient de toute la paperasse, la logistique et autres tâches importantes. Ils avaient effectué les plans de chaque cité. Banyaghu et sa jungle envahissante. Aqueril, ses canaux et ses châteaux de cristal. Faareghu, toute en pierre et en sable. Leurs architectes étaient réputés pour pouvoir construire n'importe quoi et n'importe où. Le palais du Grand Maître lui-même avait été construits par les Aerifi.

Estrela se dressa sur la pointe des pieds pour s'adresser à l'homme derrière le haut comptoir de bois verni.

- Excusez-moi m'sieur, mais on cherche la fille qui s'est fait remarqué à la Grande Assemblée. Emy, je crois.

La Mufole réprima une grimace. Son amie était un tout petit trop franche et sans-gêne, par moment. Et elle n'avait pas particulièrement envie que cette visite se finisse comme celle chez Esseni.

Estrela se tourna vers elle avec un air bougon.

- C'est à l'autre bout de la ville, maugréa-t-elle.

- Bon... prête pour le trajet ? soupira Elwena

- Moui...

Les deux jeunes filles inspirèrent. Tout doucement, elles se sentirent se désintégrer, jusqu'à être aussi légères et inconsistante qu'un courant d'air. Elwena n'était plus qu'une minuscule graine de pissenlit portée par le vent, et Estrela un souffle d'air brûlant. Ce moyen de transport était rapide et efficace mais prenait en général beaucoup d'énergie.

Elles survolèrent Aereng. Arrivées en face d'un bâtiment aussi grand que splendide, tout en marbre blanc étincelant sous le soleil, elles reprirent forme humaine.

- Je crois que c'est l'Observatoire, chuchota Elwena.

L'Observatoire. C'était un lieu mystérieux, personne ne savait vraiment ce que les Aerifi y faisaient... C'était ici qu'étaient rangées les archives de Primordia, ici que se trouvait également la Grande Bibliothèque. Elwena avait toujours rêvé d'y venir, mais qu'est-ce qu'une Mufole irait faire dans un lieu comme celui-ci ?

Les deux jeunes filles entrèrent silencieusement dans le bâtiment, le nez en l'air et les yeux grand ouverts pour ne perdre aucune miette du spectacle des rosaces de marbre au-dessus de leur tête, accompagnées de la devise "Savoir et préserver". Elles entrèrent tout doucement dans la seule pièce dont la porte n'était pas marquée d'un "Interdit au public". A savoir : la Bibliothèque. Là encore, le spectacle était éblouissant : des milliers d'étagères de bois verni remplies de millions de livres aux couvertures de toutes les couleurs. Certains Aerifi aux uniformes argentés ("Des cadets", songea Elwena) étaient assis à des tables, lisant avec sérieux et ne prêtant aucune attention aux nouvelles arrivantes.

- C'est pas elle, là bas ? souffla Estrela en la sortant de sa rêverie.

Une jeune fille aux cheveux blonds attachés en une tresse qui lui tombait sur l'épaule et vêtue d'un uniforme argenté écrivait, assise seule à une table.

- Ils aiment l'argenté ici, non ? Yeux gris, meubles argentés, uniformes argentés, cheveux d'un blond argenté...  J'en ai déjà assez , grommela Estrela en croisant les bras.

- Chuut, tu veux créer un incident interélémentaire ou quoi ?!

Elle avaient dû parler un peu trop fort, car la fille leva vers elles ses yeux gris.

- Baissez d'un ton s'il vous-plaît ! Dans une bibliothèque, nous sommes censés respecter le besoin de silence de ceux qui lisent.

- Salut à toi aussi ! On te cherchait, répondit la Faniaki.

Elwena se frappa la tête. Aïe, ça commençait mal. Elle intervint :

- On voulait savoir si toi aussi tu avais eu un malaise à la Grande Assemblée...  Si ça ne te dérange pas d'en parler, bien sûr.

- Elle a intérêt à en parler, on a pas fait tout ce chemin pour rien...  , commença à râler Estrela, qu'elle fit taire d'un coup de coude dans les côtes. 

L'Aerifi se leva, et leur tendit la main :

- Je m'appelle Emy, ravie de vous rencontrer. Mais la Bibliothèque n'est pas un endroit sûr pour parler de tout ça. Sortons dans les jardins suspendus.

Elles suivirent Emy à travers le dédale qu'était l'Observatoire, qui les conduisit en un lieu charmant de végétation luxuriante.

- Bien. Nous serons tranquilles ici. Effectivement, je me suis trouvée mal à la fin de la Grande Assemblée. Puis-je au moins savoir pourquoi vous avez traversé toute ma cité pour me poser cette simple question ?

Elle avait une voix calme et posée, mais démentie par ses yeux qui ne cessaient de vérifier autour d'eux, comme par crainte d'être suivie.

Estrela ouvrit la bouche, mais Elwena la devança :

- Par curiosité. Et pour ça aussi... 

Elle tira sur le cordon noir auquel était attachée la perle d'émeraude. Elle vit les yeux gris d'Emy s'écarquiller de surprise.

- Vous aussi ? souffla-t-elle.

Elle plongea sa main dans le col de son uniforme, et en sortit un collier avec dessus une perle en diamant. La Mufole sentit Estrela frémir d'excitation. Ça y est, elles avaient rassemblé tous les propriétaires des colliers ! Mais...  qu'est ce que cela signifiait au juste ?

- J'ai essayé par tous les moyens de l'enlever, rien à faire !

- J'ai essayé aussi, grogna Estrela. Plus solide qu'une enclume !

- Il y a quelqu'un comme nous chez les Elnolu ? demanda Emy.

- Oui... Esseni.

- Oh.

- Oui.

Nous nous regardâmes en silence, sans pour autant dire tout haut ce qu'on pensait tout bas : Esseni, la peste.

- Bien, soupira l'Aerifi. Ce qu'il faudrait, c'est qu'on se voie toutes les quatres dans un endroit tranquille...

- Chez moi, proposa Elwena. C'est tranquille à Banyaghu généralement.

- Pourquoi pas, oui.

- Pourquoi se voir ? demanda Estrela.

- Parce que je sais quelque chose, répondit Emy. Et que nous sommes en danger.



Toujours rien ? Bien. Iel attendrait.

Après tout, ce n'était peut-être rien... 

Non. Ne pas baisser la garde. Ne surtout pas baisser la garde.

Surveiller. Écouter. Chercher.

Attendre.

Iel l'avait senti. Mais comment l'avaient-ils senti, eux ? Des souvenirs ? Une voix ? Un tatouage ?

Tout à la fois ?

Attendre. Il fallait attendre.

Encore.

Iel gagnerait.

Ce monde, c'était son monde. Iel attendrait.

Iel gagnerait.



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Tout un chapitre d'un seul point de vue ? C'est rare, très rare ! Mais le voilà ;D Les ennuis commencent... 

J'espère que ça vous a plu !

Bisous mes lecteurs adorés !!!! ❤😘

Elements Tome 1 : PrimordiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant