由美 16. Solitude

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Le monde sans Hatsu ressemblait à un film sans couleurs. Terne et mélancolique. Je ne sais pas par quel moyen la rumeur se répandit au lycée, mais son nom était sur toutes les lèvres. « Hatsu, celle qui avait voulu se suicider. » Dans les couloirs, je surprenais parfois quelques filles à se moquer d'elle. « Tu te rends compte ? Elle avait l'occasion de se marier avec un beau jeune homme, riche en plus, et elle a préféré se tuer ! C'est un danger public... » « Une vraie cruche... » « Tu crois qu'elle préférait les filles ? » « Ah ! Ne dis pas ça, ça me dégoûte ! » « Si jamais elle revient au lycée, moi, je ne m'approche plus d'elle. » À bout de nerf, je sautais sur elles et si je ne les frappais pas, c'était seulement car Tsubaki m'en empêchait. « Elle est folle, celle-là... » « Elle craint... » Quand les élèves partaient, elle posait sa main sur mon épaule. « Ne fais pas attention à elles, Yumi. » Au bord des larmes, je finissais souvent dans ses bras. Tsubaki n'éprouvait forcément pas la même douleur que moi, mais elle me comprenait et me soutenait.

Quand on nous autorisa à revenir voir Hatsu, je retournai seule à l'hôpital. Emprunter de nouveau ce couloir où nous avions passé la nuit avec Kana me glaça le sang. Lorsque j'arrivai à sa chambre, je remarquai la présence d'une aide-soignante ; elle fut surprise en me voyant.

ー Désolée, chuchotai-je en faisant mine de refermer la porte.

ー Non, entre, me dit-elle avec un sourire.

Je pénétrai timidement dans la pièce et allai m'asseoir à côté du lit où Hatsu dormait toujours. Elle n'avait pas bougé d'un millimètre.

ー Je m'appelle Sayuri Hashi, me dit l'aide-soignante. C'est moi qui m'occupe de Hatsu pendant la durée de son séjour ici. Et toi, comment tu t'appelles ?

ー Yumi, fis-je simplement.

ー C'est ton amie ?

J'hésitai à répondre. « Mon amie » ? Oh... C'est bien plus que ça.

ー Oui.

Mme Hashi sortit de dessous la couverture le bras de Hatsu. La voir si molle me terrifia : on aurait dit une poupée désarticulée.

ー Si tu veux, tu peux lui tenir la main, me dit l'aide-soignante. Je vais te laisser un peu avec elle. Tu peux lui parler, aussi. Je suis sûre qu'elle peut t'entendre.

Mme Hashi referma doucement la porte derrière elle et me laissa seule dans la chambre. Le moniteur cardiaque, qui affichait les battements du cœur de Hatsu, était la seule chose qui brisait le silence.

Je me mis à la regarder. Même si elle venait de croiser la mort, elle était toujours aussi belle... Plongeant ma main dans ma poche, j'en sortis le maneki neko en bois qu'elle m'avait offert au matsuri et le glissai dans son poing.

ー Serre-le, chuchotai-je. Serre-le fort et souviens-toi que je t'aime.

J'espérais bêtement une réaction, mais son visage resta de marbre. Ne sachant quoi dire, je continuai alors à l'observer, le cœur lourd. Combien de temps vas-tu rester ici ?

Mme Hashi revint au bout d'une demi-heure. Avec embarras, elle me dit que je devais partir et j'hochai la tête. Je réfléchis alors un instant et lui demandai :

ー Est-ce que vous pourrez faire en sorte qu'elle le garde dans sa main ?

L'aide-soignante remarqua le maneki neko et m'adressa un sourire.

ー Ne t'inquiète pas, je ferai tout pour qu'elle ne le lâche pas.

Rassurée, je me levai et m'en allai de l'hôpital.

Kimi no kiaiWhere stories live. Discover now