Kimi no kiai

由美 3. Océan

Le lendemain, alors que je pénétrais dans l'enceinte du lycée, Tsubaki me sauta dans le dos et réussit à m'arracher un cri de surprise. C'était sa manière à elle de me dire bonjour.

ー Alors Mimi, tu as fait ça bien ? s'écria-t-elle en me donnant un coup de coude.

Je mis rapidement ma main devant sa bouche pour la faire taire.

ー Tsubaki, ne m'appelle pas comme ça, dis-je discrètement.

J'avais l'impression de lui répéter cela tous les jours.

ー Hier soir, tu aurais dû rester avec moi, continuai-je sur un air détaché. J'ai rencontré Hatsu Ueda. Et on a discuté ensemble.

ー Quoi ?

Tsubaki fit de gros yeux. L'instant d'après, elle se rongeait les ongles, l'air désespéré. Voilà la punition qu'elle méritait pour m'avoir abandonnée. J'étais fière de moi.

Comme chaque matinée, nous nous mîmes à suivre la masse d'élèves qui se dirigeait vers le bâtiment principal.

ー Et alors ? Raconte ! me dit-elle, toute excitée. Elle est comment ?

ー Pas mal, répondis-je distraitement.

Un silence s'installa entre nous. Quand je me rendis compte de ce que je venais de dire, Tsubaki était déjà prise d'un fou rire.

ー Je ne te demandais pas physiquement, Yumi, mais si c'est la seule chose que tu as retenu...

J'essayai de cacher mon embarras mais c'était peine perdue.

ー Non ! bafouillai-je. Ce n'est pas ce que je voulais dire... Elle est très gentille, et...

Tsubaki me fit un signe de main. « Ne t'enfonce pas plus » semblait-elle vouloir me dire. J'aurais voulu me donner une gifle, mais je me contentai de baisser les yeux. Idiote, qu'est-ce qui t'as pris ? Fort heureusement Tsubaki n'insista pas plus.

À mesure que nous nous rapprochions du bâtiment principal, nous retrouvâmes nos camarades et prîmes le chemin des salles de classe. Mais avant d'arriver à l'aile centrale, je remarquai un groupe de troisièmes années qui discutaient dans un coin, comme pour retarder ce moment où elles iraient en cours. J'eus tout à coup un pincement au cœur : parmi elles se trouvait Hatsu.

J'aurais voulu aller lui dire bonjour mais je n'osai pas m'écarter de mes camarades qui marchaient d'un pas assuré. Et puis, elle était entourée de plein d'autres filles. Je ne fus d'ailleurs pas surprise de remarquer Gôsei juste à côté d'elle : si elles étaient toutes les deux amies, comme moi avec Tsubaki, elles ne devaient véritablement jamais se quitter. Par chance, Hatsu finit par lancer un regard en notre direction et m'aperçut. Comme la première fois, la lueur dans ses yeux changea radicalement. Elle m'adressa un sourire et me fit un signe discret de la main ; je lui répondis timidement.

Tsubaki dut voir notre interaction car, un fois arrivées dans la salle de cours, elle me lança un regard irrité. Elle me demanda sur un ton de reproche qui m'amusa :

ー Vous êtes devenues amies, c'est ça ?

ー Pourquoi, tu es jalouse ?

Tsubaki secoua la tête, comme si cela ne l'intéressait pas. Finalement, elle alla s'asseoir à sa place et le premier cours de la journée ne tarda pas à commencer.

Elle et moi, nous étions séparées de quelques tables mais cela ne nous empêchait pas de nous échanger des regards de temps en temps. Généralement, quand je la voyais s'endormir durant un cours un peu trop ennuyeux, je m'amusais à l'aveugler avec le reflet de ma règle. Sa réaction était alors digne des meilleures comédies : elle sursautait brusquement et attirait l'attention de toute la classe. Bien sûr, elle savait que cela venait de moi, aussi je me forçais à éviter son regard pour ne pas rire aux éclats. Pour se venger elle m'éblouissait à son tour, jusqu'à ce qu'elle se fasse prendre par le professeur car elle ne possédait pas ma discrétion. Ce genre de petit jeu était parfaitement ridicule, mais elle et moi étions habituées à faire cela depuis notre petite enfance...