La Lumière noire - (L&V) T.1 + T. 2

Chapitre 8

NDLA : Vous l'aurez remarqué, je ne donne volontairement pas d'année pour situer l'histoire. Seuls quelques détails permettent de deviner l'époque. C'est le cas dans ce chapitre. Merci donc de garder en tête que notre réalité actuelle n'était pas celle de mes personnages à leur époque :3
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Samedi 22 septembre.

Isabelle jeta un coup d'œil à l'horloge d'un air inquiet.

— Ce sera prêt à temps, lui assura Victorien. Dans trente-cinq minutes.

— J'espère que Sébastien ne sera pas trop affamé.

— Il pourra bien attendre cinq minutes, non ?

Habitué à aider sa mère dès son plus jeune âge, il ne comprenait pas ces hommes qui laissaient la charge presque totale des tâches ménagères à leur femme.

Si c'est ça, moi je préfère rester seul...

— Tu pourras me pendre le linge après ?

— Oui !

Il mettait la table, elle entamait la vaisselle, au moment où Leï descendit l'escalier en trombe. La main sur la rampe, il sauta les deux dernières marches.

— Mais tu vas où comme ça ? s'enquit Isabelle.

— Au taf, comme tous les samedis depuis plus d'un an !

— Me parle pas comme ça. T'as même pas mangé !

Leï se tourna vers elle. Interdit, Victorien ne bougeait plus. Il craignait toujours qu'un débordement ne survînt.

— Bah j'mangerai ce soir. Salut !

Isabelle jeta son torchon au moment où Leï laissait la porte se refermer sur lui.

— Qu'est-ce qu'il m'agace celui-là ! C'est pas possible !

Isabelle reprit sa tâche et Victorien n'osa rien répondre. Il se demandait bien pourquoi cette famille accueillait un adolescent avec lequel ils ne s'entendaient pas. Leï n'avait que dix-sept ans, il ne pouvait donc pas décider lui-même de partir.

La réponse à sa question muette vint.

— C'est pas un sale gamin. C'est un bon bougre dans le fond, mais il a aucune éducation. Son arrogance m'agace, commenta Isabelle.

Donc elle l'aime bien quand même... dans le fond.

— Pourquoi tu lui dis pas que tu l'aimes bien quand même ?

Il regretta aussitôt cette question trop intime.

— Il me l'a jamais dit non plus.

— Mais il a que dix-sept ans. Et c'est un solitaire. On n'est pas connus pour être très perspicaces à notre âge. Il l'a jamais dit, mais est-ce qu'il l'a déjà entendu ?

Alors qu'il achevait de retirer les couverts de Leï, Victorien vit le dos d'Isabelle se tendre légèrement.

— J'en sais rien du tout. Tu sais je l'ai pas eu tout jeune. Il est arrivé ici, il avait treize ans. Il a jamais voulu parler de sa vie d'avant. J'ai pas posé de question. Je connais que son dossier. Et bien souvent, c'est assez maigre.

Victorien baissa les yeux. Il ne devinait que trop bien l'effet que pouvaient causer ces dossiers sur les gens, à commencer par les principaux concernés. Être réduit à quelques lignes, l'histoire d'une jeune vie résumée dans le jugement de quelque tribunal pour les uns, dans le chaos d'un parcours malchanceux pour les autres.