Chapitre 7 - Réunions et séparations (1ère partie)

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Déolem n'aimait pas attendre surtout quand cela ne servait à rien. Énervé, il s'agita sur son fauteuil et regarda, pour la centième fois au moins, les décorations de l'antichambre où il se trouvait : des boiseries, des pièces mises sous cadre, des ferronneries.

— Arrête de t'agiter ainsi, lui intima Ardelius.

— Je ne m'agite pas, je cogite, répliqua Déolem.

— Je connais des boisseaux de puces plus calmes que toi. Détends-toi, ça se passera bien.

Déolem ne répondit rien. Et dire qu'il avait déjà perdu la journée de la veille à tenter de voir Vaumac... Voilà qu'il remettait le couvert aujourd'hui.

— J'en ai marre, grommela-t-il.

— Moi aussi, mais on n'a pas le choix, faut qu'on lui parle.

Déolem maudit tout bas tous les membres de l'îlot de la monnaie, affilié à celui du fer par une décision d'un précédent gouverneur, et qui se croyaient mieux que ceux qui travaillaient les métaux communs.

Le forgeron n'y tint plus et se leva. Mais que fichait Vaumac ? Son regard se posa sur le feu qui crépitait dans l'âtre. Peu de personnes dans le quartier humain pouvaient se permettre d'avoir une aussi vaste pièce, qui servait juste à faire attendre les gens, et de pousser le luxe jusqu'à la chauffer. En l'absence de fenêtres, des chandelles éclairaient l'antichambre. Pas les méchantes bougies de suif qui étaient le quotidien de la plupart des humains, non. De bonnes bougies en cire d'abeille, vraisemblablement issue des ruches des vampires. Une discrète odeur de cire et de fleurs embaumait d'ailleurs la pièce.

Déolem avisa ses mains : de larges paluches à la peau rêche. La suie et la limaille de fer avaient imprégné ses ongles. Malgré les bains et le savon, il ne pouvait s'en débarrasser. Il avait passé une chemise et un pantalon qu'il réservait d'ordinaire aux jours de fête. Il ne pouvait néanmoins s'empêcher de se sentir déplacé dans ce cadre au luxe feutré.

À côté de lui, Ardelius, malgré ses paroles de tantôt, ne semblait guère plus à son aise.

— Qu'est-ce qui lui prend si longtemps ?

Déolem avait plusieurs réponses. Vaumac était le mestre de l'îlot de la monnaie, mais aussi de celui du fer. Il les faisait poireauter pour bien marquer son pouvoir. Les mestres et les mandataires ne s'entendaient guère. Il y avait eu par le passé quelques conflits assez musclés. La deuxième solution était que Vaumac avait déjà eu vent des découvertes de Clélie, ou qu'il était arrivé aux mêmes conclusions, et qu'il attendait la réponse du gouverneur pour agir en conséquence. Dans les deux cas, cela n'avait rien de rassurant.

La porte finit par s'ouvrir sur un homme d'une vingtaine d'années. Il toisa Déolem et Ardelius, avant de leur faire signer d'entrer. Déolem découvrit une étude où régnait une agréable chaleur. Une fenêtre donnait sur un jardin intérieur au bout duquel on distinguait l'un des nombreux canaux qui maillaient quartier humain. Vaumac était assis derrière une table. Il se leva à l'arrivée de ses visiteurs et leur indiqua deux sièges où s'asseoir. Déolem s'exécuta, tout en examina Vaumac. Il comptait une cinquantaine d'années et avait un visage encore jeune, signe que le travail ne l'avait pas usé. Ses cheveux blancs étaient peignés en arrière. Il portait un ample pourpoint, au col et aux manches agrémentées de fourrure. Son regard était fatigué, ses traits tirés. Déolem comprit pourquoi il les avait fait attendre.

— Vous êtes au courant pour les vampires, déclara Déolem sans préambule.

Vaumac afficha une expression de brève surprise, avant de se reprendre et de sourire.

De Murmures et d'ombres (Neïbula T1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant