Chapitre 1 - Sous le couvert des arbres (3ème partie)

43 7 3
                                    


Ça s'agitait de nouveau chez les Vertefeuille. Perché dans un arbre, Ioryl écoutait attentivement. Le vent lui apportait des rumeurs de conversations, émaillées de quelques cris.

Et puis, un raffut le fit dresser sur sa branche. Il entendit hurler, on criait à l'alerte.

Une humaine entièrement nue jaillit des fourrés pour s'engouffrer dans la forêt.

— Tu as vu comme moi ? demanda-t-il à Lyroi.

— Oui, confirma le reflet. On sait maintenant ce qui mettait les Vertefeuille dans tous leurs états.

Ioryl observa les alentours d'un rapide coup d'œil. Aucun chasseur du clan de Drecia n'était en vue. Ioryl réfléchit un instant, puis sauta en bas de l'arbre. Il se réceptionna souplement et se mit en chasse de la fuyarde. S'il ramenait cette intruse qui s'était échappée, Drecia se montrerait peut-être mieux disposée à son égard.

*

Louve courait à travers les sentes de la forêt comme si celle-ci brûlait. Elle n'avait cure des branches qui la fouettaient, des ronces qui griffaient ses jambes et des cailloux qui meurtrissaient ses pieds. Tout son être se focalisait sur une seule pensée : fuir.

Elle traversa un buisson mais se prit les pieds dans une racine. Elle roula au sol et se releva d'un mouvement.

Elle allait si vite que la forêt était floue. Au loin, elle entendait des cris. Les gémeaux ne tarderaient pas à retrouver sa trace, c'était pourquoi elle voulait mettre le plus de distance entre elle et eux.

Louve arriva dans une clairière et s'accorda quelques secondes pour reprendre son souffle. Elle était nue et trempée, et le vent menaçait de la geler sur pied. Alors que la changebête se remettait à courir. Un frisson lui parcourut la nuque. On l'avait rattrapée.

Elle ne perdit pas de temps à chercher où se trouvait son poursuivant. Des années de fuite avaient affûté son instinct à ce sujet et elle avait appris à lui faire confiance. Elle allongea la foulée.

Derrière elle, elle crut entendre le souffle rauque d'un coureur. La panique menaça d'obscurcir sa vision. Elle se força à continuer à respirer et à ne pas faiblir. Aliska lui disait toujours qu'elle pouvait battre le vent à la course. On allait voir si c'était vrai !

Louve courut et courut. Bientôt, la taille des arbres diminua et leur nombre se clairsema. Les haies d'enceinte se profilèrent. Le cœur de la changebête fit un bond. La sortie !

Elle osa alors se retourner.

Il était là. Un gémeau au visage dur et déterminé. Louve se jeta dans la haie. Les branches l'éraflèrent, elle batailla contre ce mur végétal. Il résista, la pressa en retour, avant de céder. Louve tomba presque de l'autre côté.

Hébétée, elle mit quelques secondes à reconnaître le port de l'est. L'endroit était désert, mis à part sur le quai en face, les masques blancs et impassibles de trois modeleuses. Louve n'hésita qu'une seule seconde, elle se jeta à l'eau. Celle-ci était glacée, bien plus qu'elle ne l'avait escompté. Le choc lui tétanisa les muscles et bloqua sa respiration. Avec l'énergie du désespoir, Louve se battit et nagea vers les trois dames blanches. Elle avança, mètre par mètre. Mais son corps déjà martyrisé n'avait plus de force. Alors qu'elle n'était à qu'à quelques brasses de la sécurité, les bras de Louve l'abandonnèrent. Lentement, elle se sentit sombrer.

*

Rêvelune ne croyait pas à ce qu'elle voyait. Une humaine nue qui venait se jeter dans le canal et qui coulait sous leurs yeux. Heureusement, elle réussit à se sortir de sa stupeur et s'agenouilla, tendant la main dans l'eau froide. Elle agrippa le poignet de la femme. Lunedouce l'imita, puis Chantelune leur prêta main-forte. À trois, elles parvinrent à remonter la femme, qui cracha un liquide saumâtre et se recroquevilla en frissonnant.

De Murmures et d'ombres (Neïbula T1)Where stories live. Discover now