Chapitre 3 - Du sang dans la rivière (1ère partie)

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Ioryl atteignit le territoire des Vertefeuille au petit matin. Il avait marché une bonne partie de la nuit, se perdant sous les arches majestueuses des arbres. Il espérait démêler ses sentiments et comprendre mieux ce qui s'était passé.

Alors qu'il arrivait sous un arbre maison et qu'une sentinelle lâchait un sifflement pour avertir les autres de sa présence, Ioryl songea qu'il n'était pas plus avancé. Comme pour la veille, Myrin Nirym et Alre Erla descendirent pour lui barrer le chemin.

— On a toujours pas envie de te voir, lança Myrin d'un ton très agressif.

— Et moi je dois toujours parler à Drecia, répliqua Ioryl.

Lyroi derrière lui croisa les bras et toisa les deux idiots. Ils commençaient à l'agacer. Il avait passé une sale nuit et se sentait d'humeur pour une petite bagarre. Peut-être que des os brisés – ceux des autres, bien évidemment – l'aideraient à y voir plus clair.

— T'as franchement rien de mieux à faire ? l'apostropha Alre.

— Genre passer la muraille citadine et aller te perdre en forêt, proposa Myrin. Le coin est plus sympa quand on ne voit pas ta tronche dans les parages. Tu pourrais même pousser jusqu'à la muraille forestière et aller chercher ce qu'il y a de l'autre côté.

— Que des brumes, tout le monde le sait. Et puis, si je m'en allais, vous vous ennuieriez. En attendant, je dois parler à Drecia.

Alre ouvrit la bouche pour répliquer, quand une voix féminine retentit.

— Laissez-le passer.

Drecia se tenait à quelques pas de là, adossée à un arbre. Aucun des trois gémeaux ne l'avait entendue arriver. Ioryl admira sa silhouette musclée et nerveuse. Drecia avança de sa démarche souple et puissante à la fois. Être comme reflet furent submergés de désir pour cette femme.

— Ça, c'est une gémeau, commenta Lyroi.

Ioryl ne pouvait qu'approuver. Drecia se planta devant lui.

— Tu étais ici hier soir ?

Il acquiesça. Soudainement, toute sa gouaille et ses bons mots s'étaient envolés. Elle hocha la tête, comme pour confirmer quelque chose qu'elle seule savait. Puis elle tourna les talons.

— Viens.

Ioryl ne se le fit pas dire deux fois. Il salua quand même ironiquement Alre et Myrin en passant, et trottina derrière Drecia. Elle gagna son arbre et grimpa souplement le long d'une échelle. Ignorant les regards curieux que les Vertefeuille lui lançaient, Ioryl la suivit.

Drecia l'emmena jusqu'en haut de l'arbre, dans une cabane lovée dans la cime. Plus petite que les autres du clan, elle délivrait néanmoins une sensation de quiétude. Un lit occupait une partie de la place, avec des couvertures qui paraissaient douillettes. Une écritoire se nichait dans un coin, à côté d'un coffre ouvert sur quelques lettres. Les murs étaient décorés de compositions à base de branches, feuilles, coquillages et plumes. Drecia pressa la main sur une pierre de lumière sertie dans une poutre et une agréable lueur orangée drapa les lieux. Drecia s'assit sur son lit et fixa Ioryl.

Celui-ci ne savait pas trop comment réagir. D'une part, elle l'amenait chez elle, dans son nid. Dans son intimité, presque. D'autre part, elle le toisait avec sa froideur coutumière.

— Tu voulais me voir ?

— Oui, commença Ioryl pour gagner du temps.

— Lançons-nous, le pressa Lyroi. Aicerd nous regarde avec encore plus d'attention que son être. Pas la peine de lui jouer du pipeau.

De Murmures et d'ombres (Neïbula T1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant