Chapitre 8

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« Pas d'autre pensée particulière le concernant ? Que ressentez-vous, actuellement ?

Thomas pinça les lèvres, incertain. Devant cette femme, assise devant lui de l'autre côté de ce grand bureau, il n'avait plus cette appréhension des premières fois. Il savait, d'expérience, qu'il n'avait pas, qu'il n'avait plus à cacher ses émotions. Ses craintes. Ses doutes.

-Je pense que je suis...vexé, avoua-t-il.

-Parce que vous avez couché avec cet homme ?

-Je ne l'aurais pas fait dans des conditions normales...

Elle le regardait fixement, avec cette expression curieuse qui n'était plus une nouveauté et qu'il ne découvrait plus depuis des mois. Elle était là, simple, ses prunelles immenses le dévorant derrière ses grandes lunettes rondes et son stylo coincé entre deux doigts, au-dessus de son éternelle feuille volante sur laquelle elle notait les parties les plus importantes de ses propos.

-Vous le connaissez depuis longtemps, vous me disiez ? Ce...Kyle ?

Il baissa les yeux, se concentrant sur la main en mouvement.

-Je ne sais pas trop, avoua-t-il. Je crois que nous nous sommes rencontrés vers la même période, l'an dernier...

Elle hocha la tête lentement, griffonna sur ses feuilles. Du bout du doigt, elle remonta ses lunettes.

-Le regardiez-vous ?

-Non.

Implacable. Du moins, il le pensait. Kyle, l'ami de Guillaume, n'était pas quelqu'un qu'il avait regardé avec un quelconque intérêt lors de leurs rares interactions. Un joli garçon, certes. Au sourire en coin et discret, quand ils se rencontraient avec leurs amis. Mais son attention s'était toujours trouvée ailleurs. Jusqu'au week-end précédent.

-L'année dernière, reprit-elle, vous culpabilisiez, monsieur Moreau. Vos sentiments pour votre...ami, s'en sont trouvés marqués par ce qu'il vous est arrivé...Qu'en est-il, maintenant ? Ressentez-vous encore le besoin de vous accrocher à lui ?

Il haussa les épaules, tentant de se donner une contenance. Mais il lui était impossible de ne pas ressentir ce frisson, qui glissait le long de sa colonne, au souvenir cuisant.

Théo.

Ce rejet, pourtant simple, qu'il aurait dû accepter aussitôt.

Puis, le drame.

Et le besoin, étouffant, de se rattacher aux derniers sentiments qui l'avaient rendu vivant.

-Je...C'est difficile de...

Il s'arrêta. Les mots. Il cherchait les mots. Le déluge n'était pas loin, il le sentait, là, se déversant dans sa gorge, implorant et sans pitié. Il cherchait les mots. Où étaient-ils ? Il avait besoin des mots, ceux qui permettaient de se vider, de se comprendre, de se retrouver. Vite. Vite.

-Monsieur Moreau ?

-Vous savez que j'aurais dû être là, ce jour-là, soupira-t-il après un moment.

-Nous en avons parlé, oui. Dites-moi juste ce qui vous vient, d'accord ?

-Je ne sais pas ce que je dois dire, avoua-t-il, plus bas encore.

-Il n'y a rien que vous deviez dire. Que voulez-vous dire, plutôt ?

Il eut un rire un peu désabusé, fronça les sourcils. Le stylo s'agitait sur la feuille, la remplissant par lignes incompréhensibles. Elle liait des mots, posés çà et là par ses soins. Il n'y aurait jamais qu'elle pour comprendre ces labyrinthes de lettres qu'elle créait au fil des heures et des feuilles.

Second Round [Passion au Manoir Pourpre 2] [édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant