41 : D'où l'importance des pizzas de la réconciliation.

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— Bonsoir, c'est le livreur de pizzas, fais-je en modifiant ma voix derrière la porte. J'ai deux pizzas pour M. Thorkildsen.

— Désolé, il y a erreur, je n'ai pas commandé.

C'est une blague. Il est sérieux là ? 

Je reprends ma voix normale, épuisée :

— Ulrick, c'est moi. Freya. Avec des pizzas.

— Oh, merde !

La porte s'ouvre soudainement alors que je vois un Ulrick presque hilare, mais un peu gêné, alors qu'il me prend les cartons des mains :

— Je suis désolé, Freya, j'étais persuadé que tu étais un vendeur de pizzas. Tu imites très bien une voix masculine doublée d'un accent italien. Même si tous les livreurs n'ont pas un accent italien, tu le sais ?

— Je sais surtout que tu es bizarre. N'importe qui accepterait une pizza livrée par erreur. Sauf toi.

— Je suis trop honnête, rétorque l'homme.

Je secoue la tête, alors que je le suis dans son appartement, suivant aussi la délicieuse odeur de pizza que je transporte depuis une dizaine de minutes avec moi, en résistant à la tentation.

— On va faire la fortune de « Pizzaerne af Luigi », rigole Ulrick.

— Parce qu'elles ont un pouvoir magique. Ce sont les pizzas de la réconciliation.

— On ne s'est pas engueulés, rétorque Ulrick avec sérieux.

— L'ambiance n'était pas non plus très joyeuse ce matin. Et en fait... Je me suis dit que si je te faisais un reproche, cela passerait sans doute mieux avec des pizzas, avoué-je finalement.

Ulrick dépose les pizzas sur son bar américain, me dévisageant étrangement. Je crois que je l'inquiète. Cela me fendrait presque le cœur de lui reprocher quelque chose tant pour lui, sa conduite semble innocente.

— Qu'y a-t-il ? reprend-il avec méfiance.

— Je n'ai pas aimé que Violet me redescende plus bas que terre ce matin. Mais surtout, le pire, c'était de voir que tu en étais indifférent.

Il baisse la tête, encaissant le coup. Bon, ça c'est fait. Je me demande même si mes pizzas ont pu servir à quelque chose. Merde, j'aurais pu économiser 180 couronnes danoises.

— Je suis désolé, je ne voulais pas donner cette impression.

— Pourtant, tu la donnais. Et je ne demande pas à ce que tu me défendes corps et âme, juste à cause de notre relation qui débute. Je voulais juste que tu montres que l'on était avant tout unis, parce que l'on était coéquipiers. Et que tu prennes mon parti, parce que tu savais qu'elle m'accusait injustement.

Je ferme les yeux. Tout est sorti, finalement. C'est toujours difficile de dire ce que l'on a sur le cœur. Ça nous le tord en même temps que cela nous soulage. A la fin, on n'est plus déboussolé qu'autre chose, même si on sait que c'est la seule chose à faire.

Ce qui me fait rouvrir les paupières, c'est quand je sens les deux mains d'Ulrick se poser sur mes joues :

— Je suis sincèrement désolé. J'ai été nul, tu peux le dire. Horriblement nul. Décerne-moi la médaille du pire coéquipier, si tu veux. Ça me fera une médaille d'or au moins.

Je pose doucement ma tête contre lui. Ses mains viennent se mettre autour de moi.

— Je suis venue avec des pizzas de la réconciliation... C'est bien que je ne voulais pas te donner de médaille d'or du pire coéquipier.

ArOù les histoires vivent. Découvrez maintenant