18.1' - Le Secret du Louvre - Cupidon soulève les voiles

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Eh non, désolée, pas (encore) de 18.2... ll arrive, il arrive !
*fuit pour échapper à crazycloo*


Elle dut cependant bientôt se rendre à l'avis général ; l'on s'amusait follement au château de Compiègne. La chasse était prévue pour jeudi ; l'excursion au château de Pierrefonds, la veille, à la lisière du bois de Compiègne, avait été l'occasion de rencontrer de nouvelles pierres anciennes, et Anne avait très sérieusement discuté avec une gargouille oubliée lors des rénovations de Viollet-le-Duc. Les travaux avançaient bien, à la grande fierté de Napoléon III, et l'architecte le plus en vue avaient fait visiter jusqu'à la plus humble des pièces, heureux du crédit impérial dont il disposait. Enfin, les promenade en forêt, les jeux dans le parc et le manège de chevaux de bois l'avaient séduite. Elle passait plus de temps encore avec le prince impérial, libéré de ses précepteurs pour la semaine. Le garçon gaspillait ses matinées à courir après les officiers pour le maniement des armes, fier comme Artaban de se débrouiller mieux que quiconque. Et s'il restait pâle malgré tous les exercices accomplis, si son œil gardait une certaine langueur, son sang espagnol et français le faisait bondir vers chaque aventure avec l'audace d'un vrai prince de France. Il avait hérité de sa mère l'impétuosité andalouse, et professait la prudence française de son père exemplaire.

Quelques jours après leur arrivée, Eugénie s'écria ainsi :

— Duc de Bassano ! Mes patins, je vous prie.

Ses patins ? songea Anne, déconcertée. La duchesse Colonna-Walewski releva les yeux de son ouvrage pieux, et grinça des dents. Mais les souhaits de l'impératrice étaient ordres implicites, et chacune chaussa ses patins à roulette. Eugénie de Montijo en offrit une paire à sa demoiselle d'honneur et bondit dans la galerie de Bal livrée à ses jeux. Elle s'élança la première, roula, roula encore sur le parquet ciré par les petites mains invisibles du Second Empire, et éclata d'un rire frais. La bouche d'Anne se décrocha de sa mâchoire. Elle n'avait jamais vu sa chère impératrice ainsi. Héloïse ricana.

— Cela change de Sa Majesté tristounette des Tuileries, n'est-ce pas ? Elle aime tant son beau Compiègne qu'elle a financé elle-même tous les travaux de Viollet-le-Duc, même les plus fous que l'empereur n'aurait pas forcément approuvés sur le papier.

— Mais... mais enfin, l'empereur sait-il que sa femme fait du patin à roulettes ?

— La légende veut qu'il l'accompagne certains soirs. Moi, je n'y crois pas. D'ailleurs...

— Mademoiselle Baraguey d'Hilliers, venez tenter, l'interrompit Eugénie.

Elle avait déjà été rejointe par la marquise de La Tour-Maubourg et la comtesse de Lourmel, les plus enhardies. Les trois se tenaient en équilibre, fort à l'aise. Un peu plus loin, la pauvre baronne de Pierres chancelait, accrochée avec prudence à une table écartée par les valets précautionneux. Anne s'élança, habituée des jeux casse-cous depuis sa tendre enfance. Son père avait toujours apprécié son côté garnement lorsqu'elle grimpait aux arbres. Les patins avaient été le cadeau de ses six ans.

— Mais bravo ! se réjouit l'impératrice en battant des mains – et, brusquement, elle ressemblait à la jeune fille de la gravure que Napoléon III gardait toujours contre son cœur. Vous donneriez des leçons à la duchesse Colonna-Walewski, j'en mettrais ma main à couper.

Anne réprima un gémissement mal à propos. La duchesse lui jetait un nouveau regard venimeux, cramponnée au rideau qui voletait sous le baiser du vent. Eugénie de Montijo se doutait-elle de l'animosité qui existait ? Bien sûr que oui, se dit-elle. Eugénie savait tout des petites rancœurs secrètes des cœurs qui l'entouraient. Elle devait se réjouir de voir l'ancienne maîtresse de son époux ainsi souffletée par la beauté juvénile de sa dernière demoiselle d'honneur. Elle se retint de grimacer, repartit en sens inverse, et entendit la comtesse de Nadaillac qu'elle était décidément bonne à marier.

Dans l'ombre du Second EmpireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant