17.2. L'oscillation des sentiments - Retrouvailles enchanteresses à Biarritz

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Je savais pas trop où couper, alors j'ai laissé le bloc, même si c'est plus long et un peu moins agréable à lire sur écran. Bonne lecture !

Le regard bleu de Léopold Niel croisa celui d'Anne, et elle demeura immobile. Seule sa prunelle secolora d'un élan de compassion – ne comprenait-elle pas mieux que personne lecourroux d'un père ? Mais le cyrard détourna le regard, soudain mal àl'aise ; et il sortit à grandes enjambées, s'éclipsant entre les convives.

Du reste, Anne ne se soucia guère plus que de mesure de l'héritier du maréchal Niel. Son cœur, en dépit de son envie de bien faire, ne pouvait se charger de toute la misère humaine, et il lui semblait que ses sentiments étaient le fardeau le plus pesant du monde. Peu après le mariage d'Appolonie-Valonette, partie depuis pour la Grèce, la Cour impériale avait déménagé pour Biarritz. Eugénie n'imaginait pas un été loin de sa chère station balnéaire, et sa maison l'approuvait. Les dames du palais s'accommodaient très mal de la chaleur étouffante de Paris, et si le voyage jusqu'au Pays Basque se révéla éprouvant, elles caquetèrent tout du long pour passer le temps. Ce serait à qui tricoterait le plus, qui dénouerait les rubans noués avec malice le plus rapidement, ou bien qui verrait les premières vaches. La locomotive endiablée siffla le long des rails de France, traversa les jolies campagnes verdoyantes inondées de soleil, s'arrêta le long du quai biarrot et souffla de fatigue. Napoléon III avait des espérances toujours plus grandes vis-à-vis de son chemin de fer neuf et beau.

— C'est le meilleur séjour estival que j'aie jamais passé ! s'écria Héloïse une semaine après leur arrivée.

Le trio marchait le long de la mer tranquille, et si les chaussures, finement cousues à la main par des ouvrières de France, s'enfonçaient dans le sable humide, nul ne se serait plaint de quoi que ce soit. La soirée promettait d'être belle, et la villa Eugénie scintillait déjà à quelques centaines de mètres de là, ravie de revivre enfin depuis le retour de sa belle maîtresse.

— Ce n'est pas très charitable envers notre amie commune, releva Albéric avec un froncement de sourcils peu inquiétant.

— Admettez que j'ai raison, réclama sa femme.

— Ma chère, vous avez raison.

— Vous ne le pensez pas.

— Je penserai ce que vous voudrez bien me laisser penser.

Anne plongea dans sa lettre pour cacher son sourire, et Héloïse bouda.

— Voyons, ne me battez pas froid, reprit le cent-garde. Tenez, je vous offre ma crème glacée.

Ramenée à des sentiments plus aimables, Héloïse fit la paix avec son cher et tendre, et croqua avec entrain la gaufre de laquelle s'échappait la glace à moitié fondue. Le soleil basque avait beau commencer à s'effacer, il brûlait encore avec ardeur les peaux offertes à sa morsure.

— Qui vous a donc écrit ? reprit Albéric en se penchant pour attraper une poignée de sable fin.

— Ma nourrice. Elle me demande des détails de Biarritz.

— Dites-lui bien que vous rencontrez de charmants jeunes hommes, balbutia Héloïse, la bouche pleine.

— Pourquoi cela ? demanda Albéric.

— Afin que son père comprenne qu'elle n'a nul besoin de lui pour se dégoter bon mari.

— Ce serait un beau mensonge, répliqua Anne en riant. Quels charmants jeunes hommes ai-je donc rencontré ?

— Eh bien, et notre bon ami Léopold ?

Et l'œil de la jeune femme pétilla un instant. Albéric fronça les sourcils ; peut-être était-il mis dans la confidence. Surtout, il n'appréciait pas toujours les insinuations de son épouse.

Dans l'ombre du Second EmpireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant