Chapitre sans titre 28

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« Quoi qu'il ait pu se passer, je suis sûre que ce n'est pas ce que tu voulais » lui dis-je, essayant tant bien que mal de cacher mes propres larmes. Ce sentiment de culpabilité, je ne le connais que trop bien. J'inspire profondément pour ne pas craquer. Il a besoin de moi. Je dois rester forte comme je l'ai été.... Matthew me tire de mes pensées.

« Tu ne sais pas Ellie » murmure-t-il, la tête baissée.

« Alors, dis-moi » crié-je, le cœur battant. Je sens le sang dans mes tempes, cogner. Pourquoi suis-je si en colère d'un coup ? Je ne comprends pas ! Mais au moins ça aura eu l'effet d'un électrochoc. Il se tourne vers moi, me regarde, surpris par tant  d'agressivité. 

« C'était fin août. Mon père m'avait interdit de sortir, enfin, de prendre ma moto. Il faisait un temps pourri comme aujourd'hui. Je devais rejoindre un groupe d'amis, alors...J'ai fait le mur. J'ai attendu qu'il n'y ait plus un bruit dans la maison. La route était glissante. Je me sentais puissant, rien ne pouvait m'arriver. J'avais tout prévu enfin c'est ce que je croyais. Avec la vitesse, j'ai glissé, dans un virage. La moto s'est encastrée dans un muret en démolition. Dieu merci je n'avais rien. Par contre la moto... » Il ferme les yeux comme pour se souvenir. Sa respiration est lente. Il passe une main dans ses cheveux en bataille et il s'assoit sur une chaise, inspire profondément, et reprend.

« J'ai supplié ma mère de venir me chercher, de ne pas réveiller mon père. Tu dois te demander pourquoi je n'ai pas appelé un ami enfin si tel je peux le désigner. Mais, au vu de l'heure, personne n'aurait été en état de venir. A cette époque, je fréquentais des gens peu recommandables, beaucoup plus âgés que moi qui ne vivais qu'à travers l'alcool, la drogue et les coups d'un soir. Avec eux, j'avais l'impression de vivre. Ils m'acceptaient comme j'étais sans chercher à comprendre d'où je venais, ni l'âge que j'avais. Aucune question, jamais. Je fais partie de ces gosses ayant un QI supérieur à la norme dictée par la société. Je ne rentrais dans aucune case. Ma mère est venue. A son grand soulagement, je n'avais rien juste quelques égratignures et mon ego qui en a pris un sacré coup. » 

Il sourit en prononçant ces derniers mots mais son visage s'empreint d'une profonde mélancolie. Il a les yeux dans le vague. J'ai l'impression de ne plus exister face à ses souvenirs. Ai-je bien fait ? Ça a l'air de tellement le faire souffrir. Il s'étire, soupire, secoue la tête et comme pour se donner du courage, se lève et se sert un verre. Il boit cul sec, se racle la gorge et continue.

« Elle m'a dit de monter dans la voiture et pour la moto, on verrait plus tard. J'avais trahi sa confiance. Je m'en voulais. Sans dire un mot, je suis monté. Je me sentais mal. J'aurais préféré disparaître plutôt que devoir l'affronter, affronter sa colère silencieuse. C'était pire que tout. L'idée de l'avoir à ce point déçu m'était insoutenable. Je bouillonnais. Je tournais la tête vers elle pour lui dire combien je m'en voulais quand...»

Matthew ferme les yeux un instant. Il fronce lessourcils. Sa mâchoire se crispe. Je ne sais pas quoi faire. Il soupire pour la énième fois. Et il reprend son récit les yeux rivés au sol.

« Il avait trop bu. Enfin c'est ce qu'ils ont dit. Son taux d'alcoolémie était largement supérieur au minimum autorisé si un minimum existe vraiment lorsque l'on est au volant. La voiture a fait plusieurs tonneaux. Je suis resté plusieurs semaines dans le coma. J'étais fracassé. Ma putain de vie venait de voler en éclats et celle de ma mère s'est arrêtée brutalement ce soir-là. Et lui, rien » 

Matthew relève la tête. Il me regarde fixement. Ses yeux sont rouges. La tristesse a laissé sa place à la rage. Il sert les poings.

« Ce connard a pris ma mère. Il a détruit ma vie, notre vie. Je m'en veux tellement. Toute ma vie, je vivrai avec ce sentiment de culpabilité. Si seulement j'avais su. Si seulement ce soir-là, je n'étais pas sorti. Si seulement, une fois dans ma vie j'avais obéi. Si ... »

« Tais-toi » J'hurle en pleurant. Les larmes coulent le long de mes joues.  J'ai mal. Mal pour lui, pour sa famille. Je frissonne. Un souffle d'air frais me parcourt la colonne vertébrale.

« Avec des si, Matthew, tu pourrais refaire le monde. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Ce n'est pas de ta faute. On ne peut pas tout prévoir, tout savoir. Tu ne peux plus vivre ainsi. Ta culpabilité te bouffe de l'intérieur. Il fautsavoir se pardonner pour pouvoir aller de l'avant. Tu ne peux vivre constammentavec le passé. Le départ voulu ou non, attendu ou accidentelle d'un être aimé est une douleur intense, indescriptible mais c'estaussi une promesse, celle de se retrouver un jour dans un monde sans souffrance. »

 Sur ces derniers mots, je m'effondre en sanglots dans ses bras. Je me blottiscontre lui. Je sais qu'il a été pris au dépourvu, qu'il ne s'attendait pas à maréaction. Mais toute la douleur encrée en lui m'a comme happé.

« Non, Ellie ne pleure pas. Je suis désolé,tellement désolé » me susurre-t-il.

Matthew m'enlace, m'embrasse tout en continuant de se confondre en excuses.

« Pardon, pardon Ellie. Je suis le seul coupable. J'aimerais tant revenir en arrière. On dit que le temps efface les maux. J'ai essayé de pardonner, de lui pardonner, de me pardonner. Mais c'est si compliqué. Un jour peut-être. Tu es la plus belle chose qui me soit arrivée. Alors je t'en supplie, ne pleure plus »

Il me caresse les cheveux, me berce tel un enfant que l'on console. La tension encore palpable il y a quelques minutes, a disparu comme par enchantement. Doucement, mes larmes se tarissent. Je suis épuisée. Je sens la chaleur de son torse. J'inspire profondément comme pour m'imprégner deson odeur. Je ferme les yeux. Je calque ma respiration sur la sienne. On est en symbiose. 

La pluie s'est arrêtée. La lumière extérieure a faibli. Quelques coups sur la porte nous font tressaillir.

« Le repas est prêt ! » crie Emily d'une voix enjouée.

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Voili voilà, ce chapitre est un peu plus long que les autres. 

On en découvre un peu plus sur Matthew. 

J'espère qu'il vous plaira. 

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