Chapitre sans titre 27

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Matthew semble absent, absorbé par cette petite boîte octogonale en bois vieilli. Sur le dessus, a été sculptée une danseuse. Il l'entrouvre légèrement et je reconnais la mélodie de Beethoven, Pour Elise. Il serre les mâchoires, des sillons se creusent sur son front et ses yeux se voilent.

J'en profite pour scruter les moindres détails de ce corps qui vient de me donner tant de plaisir. Il n'a pas remis son tee-shirt et n'a pas, non plus, boutonné son jeans, laissant ainsi apparaître son caleçon. 

Le haut de son torse se dessine en un ensemble harmonieux de lignes qui définissent à la perfection ses pectoraux. Je glisse les yeux vers le bas de son ventre. Ses abdominaux visibles finissent ce corps d'athlète.  Ses bras musclés se contractent en serrant ce petit objet. 

« Soncorps est juste parfait, me taquine ma conscience »

J'ai envie de m'y blottir, de poser ma tête sur sa poitrine musculeuse. Son regard reflète une infinie tristesse. Je m'approche sans bruit et m'assois à côté delui.

« Elle est belle ! » je tente timidement

« Hum... » Ses yeux restent rivés sur cette boîte.

« Pour Elise. C'est une très belle mélodie » insisté-je.

Matthew ferme les yeux, prend une grande inspiration, comme pour se donner du courage, se racle la gorge et me sourit. Mais ce sourire n'est pas celui de cet homme plein d'assurance qui m'a emmené jusqu'ici. Je ressens cette mélancolie au plus profond de moi.

« Elise était le prénom de ma mère ». Il tourne légèrement la boîte, l'ouvre. La mélodie se répand à travers la pièce.

« Ma mère l'adorait. Elle venait de sa grand-mère. »

« Ta mère.... » Il pose un doigt sur mes lèvres, me faisant ainsi comprendre que je dois l'écouter sans dire un mot. Je suis frustrée car plein de questions se bousculent dans ma tête.

« C'est sa cabane, son antre. Elle venait s'y réfugier » ajoute-t-il en regardant tout autour de lui. Que j'aimerais le questionner mais je préfère respecter son silence. Je ramène mes jambes sous mes fesses et m'appuie contre le dossier. Je n'avais pas remarqué la pile de livres posée sur le côté de la cheminée. Au bout de quelques minutes, il reprend.

« Ma mère écrivait des livres pour enfants. Elle adorait le calme de cet endroit. Elle y trouvait l'inspiration. Elle s'y enfermait pendant des heures. Le temps était comme suspendu. J'aimais venir la rejoindre. Elle posait alors sa plume, s'asseyait dans le rocking chair. Je me mettais par terre et je l'écoutais me raconter des histoires. Souvent ma sœur et mon frère venaient nous rejoindre. En hiver, mon père allumait la cheminée. En grandissant, je l'aidais à trouver des idées. Nous restions des nuits entières à écrire.»

Son regard s'est à nouveau assombri. Il regarde dans le vide. Sa mâchoire se crispe. Il tourne et retourne la boîte à musique. Son silence commence à peser. Je brûle d'envie d'en savoir plus. Que s'est-il passé ? Pourquoi parle-t-il d'elle au passé ?

« Doucement, je me suis habitué à son absence mais elle me manque terriblement. En venant ici, j'ai l'impression de la retrouver. Cette baraque est empreinte de sa présence. C'est ici que je viens lorsque je veux m'isoler, me recentrer. Tu es la première fille que j'amène ici, Ellie » Ces dernières paroles me touchent.

Un coup de vent fait claquer un volet mal accroché. A l'extérieur, il tombe des trombes d'eau. Le temps s'est rafraîchi. J'ai la chair de poule.

« Tu as froid ? » et, une fois de plus, sans attendre ma réponse, il récupère le plaid posé sur le rocking chair et me le pose sur les épaules. Il en profite pour remettre son tee-shirt et finir de boutonner son jeans.

« Merci » soufflé-je et je tente de lui poser LA question qui me taraude

« Ta mère, elle est... »

« Décédée » murmure-t-il. Sa voix s'est cassée.

« Je suis vraiment désolée. Je nevoulais pas...Enfin, je ne voulais pas...» Je bafouille.

« Ça fait déjà 8 ans. J'avais 16 ans » souffle-t-il. Il se prend la tête dans les mains. Son regard est d'une tristesse indescriptible. Voir ses yeux s'embuer de larmes m'est insupportable.

Il penche la tête en arrière, se frotte vigoureusement le visage, inspire, se redresse et reprend :

« J'ai eu une enfance dorée. Je n'ai jamais manqué de rien : un père chirurgien cardiaque, une mère écrivain. L'argent coule à flots. Je n'ai jamais manqué d'amour bien au contraire. Et pourtant cette famille tant enviée par la plupart de mes amis, je l'ai brisé. J'ai fait le con. J'ai détruit ce que j'avais de plus cher. Par ma faute, ma sœur et mon frère se sont retrouvés orphelins. Mon père a perdu son âme sœur. Tu sors avec un assassin Ellie, avec...»

« Eh, non, tu n'as pas le droit de dire ça ! » je le coupe, choquée. Mais qu'est-ce qui lui prends ?

 « Tu ne connais rien de ma vie Ellie. Je ne suis qu'un pauvre type qui a brisé la vie de toute une famille. Je n'en faisais qu'à ma tête. J'étais l'électron libre de la famille. Ce besoin permanent de m'affirmer, de provoquer, de m'opposer, ne me quittait pas. Je me sentais incompris. Je passais mon temps à défier mes parents et surtout l'autorité de mon père. Ce soir-là, c'est ce que j'ai fait pour la énième fois. Et j'en ai payé le prix fort. Par ma faute, ils ont perdu l'être le plus merveilleux existant sur cette terre. »

 Matthew s'est levé, les poings serrés. Il me dévisage. Ses traits se sont durcis. Le bleu de ses yeux s'est assombri. Il fronce les sourcils. La colère se lit sur son visage.

« Je me déteste, je me hais. Je ne me pardonnerai jamais. Je survis. J'aimerais effacer le passé. Je suis fatigué, brisé, perdu. » Souffle-t-il.

Je sens sa détresse. Elle me prend aux tripes. La perte d'un parent est de ce qu'il y a du plus horrible. La mort est quelque chose d'impitoyable, d'aveugle, de dévastateur. Aucune règle. Du jour au lendemain, notre vie bascule. Aucun contrôle.

Je me lève à mon tour, laisse tomber le plaid. Je le prends dans mes bras. Il s'effondre en larmes. Tant bien que mal, j'essaie de le rassurer....


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Salut !

Alors, que pensez-vous de Matthew ?

Aimeriez-vous savoir ce qui s'est passé ?

N'hésitez pas à me laisser des commentaires !


Puzzle : la promesseWhere stories live. Discover now