6 : Ulysse d'Ithaque

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6.
Ulysse d'Ithaque


En mer,


Deux semaines après la fin de la Guerre de Troie,



Mélyne s'était endormie dans la cale d'un bateau.

Après la victoire des grecs sur les troyens, elle avait erré au milieu des décombres comme un fantôme. Troie avait été mise à feu et à sang. La fière cité imprenable avait été partiellement détruite et sa beauté en avait été fortement entachée. La jeune femme était restée muette plusieurs jours, le temps de faire son deuil. Le temps de réaliser que Kleon était mort et qu'il ne reviendrait plus jamais.

Elle n'avait pas eu l'esprit à célébrer leur victoire. Elle n'avait même pas prit la peine de vérifier si les soldats avec lesquels elle s'était liée d'amitié étaient encore en vie, eux. La dague qui avait empoigné son cœur au moment où son ami d'enfance rendait son dernier souffle s'était enfoncée toujours plus profondément, jour après jour. Les larmes sur ses joues s'étaient tarit, mais celles qui coulaient à l'intérieur de son âme ne semblaient pas avoir fin.

Elle avait fini par s'écrouler à l'intérieur d'un bateau dont on lui avait dit qu'il se rendrait à Athènes. Recroquevillée sur le sol, elle avait laissé les bras de Morphée l'entourer de leur chaude étreinte. Au moins lorsqu'elle dormait, elle ne pensait plus à Kleon et sa douleur semblait s'endormir avec elle.

Ce fut un cri de surprise qui l'a réveilla. Mélyne sursauta, brutalement tirée du monde de ses rêves.

— Qu'est-ce que tu fais là, toi ?

Devant elle, se tenait un homme. Il était âgé d'une quarantaine d'années, sûrement et de carrure aussi large que haute. Une épaisse barbe rousse masquait la partie basse de son visage lunaire. Ses yeux écarquillés ressemblaient à deux billes sombres.

Mélyne ouvrit la bouche, mais aucun son ne sortit de sa gorge. Enfermée dans son chagrin, elle n'avait même pas songé une seule seconde à ce qu'elle inventerait pour justifier sa présence sur le bateau. Son rythme cardiaque s'accéléra brusquement. La panique illumina soudain son visage alors que le marin s'approchait d'elle.

— Je... Je me suis trompée de bateau, parvient-elle à articuler d'une voix plus aiguë que d'ordinaire.

— Ben voyons, ricana l'homme avant de partir dans un grand éclat de rire. Tu sais ce qu'on fait aux passagers clandestins par chez moi ? On les jette par-dessus bord !

Sur ces mots, il empoigna le poignet fin de Mélyne pour la traîner jusque sur le pont. La jeune femme eut soudain très peur, car le marin ne semblait pas plaisanter le moins du monde. Elle avait dormi plusieurs heures et les balancements du bateau lui permettait de supposer sans peine qu'ils étaient maintenant en pleine mer. Les chances de survie étaient minimes, mais pour ne rien améliorer, elle ne savait pas nager.

Elle tenta de se débattre, mais il resserra sa poigne jusqu'à lui faire mal. Dans ses vaines tentatives de se libérer, elle sentit le col de sa chemise glisser sur son épaule. D'abord sans comprendre, elle vit la surprise éclairer les traits du marin.

Son sang se glaça dans ses veines. Son cœur se serra quand l'évidence lui vint à l'esprit.


— Une femme ? balbutia l'homme, prit de court. Une femme à bord de notre bateau ? Par Zeus !

L'enfant du SoleilDonde viven las historias. Descúbrelo ahora