XI. Adieu

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Le lendemain, à la première lueur du jour, une sensation douce et fraîche sur son épaule extirpa la princesse de son inconscience.

Pour la première fois depuis des mois, elle avait dormi d'un sommeil sans nuage, sans tornade.

Elle ouvrit lentement les yeux avec précaution. La main blanche et glacée posée sur elle se retira promptement, et sa propriétaire disparut subitement.

La sombre silhouette se matérialisa à nouveau quelques mètres plus loin. Juliette se redressa sur son séant et esquissa un rictus amusé, avant de s'étirer avec souplesse.

— Il semblerait que je vous fasse peur.

Saphira, elle, ne paraissait pas d'humeur à plaisanter. Sa mâchoire était contractée, ses lèvres formaient une ligne dure et droite.

Inflexible.

Juliette comprit immédiatement. Elle fronça les sourcils et se rapprocha instinctivement de la magicienne.

— Que se passe-t-il, Saphira ? l'interrogea-t-elle en se glissant hors de son lit, inquiète.

Elle ne se retint pas pour laisser couler le prénom sur sa langue avec volupté.

— Juliette, j'ai une bonne nouvelle à vous annoncer, lui annonça la magicienne d'un ton solennel qui ne parvenait pas à dissimuler l'amertume de sa voix.

Alors que la princesse ouvrait la bouche pour répliquer, la voix lugubre retentit à nouveau, implacable.

— Notre accord est rompu.

— C...Comment ? balbutia Juliette, interdite.

— Cela fait maintenant plusieurs mois que votre mariage aurait dû avoir lieu. Le prince Edouard pense que l'on se moque de lui, il s'impatiente et souhaite que le mariage ait lieu sur le champ. La situation politique est des plus instables en Crystallide. Depuis l'inexplicable disparition de la princesse héritière, le pouvoir du prince est menacé. Si sa promise ne se présente pas aux portes de la Maison des Miroirs ce soir au coucher du soleil, un conflit éclatera. C'est ce que son ambassadeur est venu annoncer à vos parents ce matin à l'aurore.

Le ton de Crudelis était aussi tranchant qu'un éclat de verre écrasé au sol.

— C'est terminé, Juliette. Vous n'êtes plus confinée dans cette tour. Allez, et sauvez votre pays de la destruction.

Saphira pivota sur ses talons, faisant voltiger sa cape de velours dans son sillage. Alors qu'elle s'apprêtait à quitter la pièce, la princesse l'interrompit, tendant une main implorante dans la pénombre.

— Saphira, attendez. Et notre marché ? Je ne peux faillir à la promesse que je vous ai faite : ma liberté contre la connaissance. Dois-je vous rappeler que j'ai eu la possibilité de partir avant et que je ne l'ai pas fait, justement par respect pour ce marché ? Vous ne pouvez me laisser partir, je vous en prie ! Tant de questions demeurent encore sans réponse. Vous pas plus que moi, nous ne pouvons briser notre pacte.

La femme se retourna vers la princesse d'un geste lent, las.

— Il vous reste encore un jour à passer dans ce donjon, et par conséquent, une question. Alors, je vous écoute. Que voulez-vous savoir ?

Le tranchant de son apparence sans âge avait laissé place à une langueur millénaire dans sa voix trainante.

Juliette demeura longuement immobile, droite comme un i, dans sa chemise de nuit blanche, face à l'ombre de velours noir.

Avant de poser la seule question dont elle ne voulait pas connaître la réponse.

— Pourquoi le royaume tout entier vous croit si cruelle ?

La Magicienne Sans Cœur (GxG)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant