Chapitre 17. [2/2]

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Lorsque Jaëssann passa ses doigts surs entre le bâillement des tissus de sa robe, elle grimaça. Il les écarta pour mieux contempler la marque. L'air intrigué, il somma le reste de l'assemblée de s'approcher.

Le Tsanéka avait étudié les sceaux et en avait vu plusieurs au cours de sa vie, mais aucun semblable à celui-ci. C'était comme si la personne qui avait posé ce Yonnkha avait tracé plusieurs empreintes, les unes par-dessus les autres. Combien y en avait-il ? Trois ? Cinq ? Dix ? Jaëssann était incapable de le dire. Même sur un objet ou un lieu — comme sur les portes de la salle des trésors de Lothälann — il n'avait jamais constaté de Yonnkha aussi complexe que celui-ci. Plusieurs sceaux qui n'en formaient qu'un, réalisés avec une minutie hors du commun. Pourquoi Alix était-elle encore en vie avec un tel calvaire sous sa poitrine ? Un être humain normal avait déjà du mal à supporter une seule marque, comment parvenait-elle à en accepter plusieurs avec autant d'indifférence ? Et de quelle ressource se nourrissaient-ils donc tous ? Pas des uns ni des autres, il en était certain.

Plusieurs questions tourmentaient à présent l'esprit de l'Impitoyable : étaient-ce plusieurs Yonnkha superposés avec des effets différents ? Étaient-ils co-dépendants ? Mais surtout, quelles étaient les répercussions sur Alix ?

Le Tsanéka se doutait qu'elle n'était pas aussi faible qu'il avait bien voulu le croire. Certes, il ressentait sa Source Originelle — mère de puissance — infime, mais n'était-ce pas à cause de la marque ? Il commençait à envisager l'éventualité qu'elle soit digne du nom dont on l'affublait ; Dathräkins'Mâira.

Pour rien au monde Jaëssann n'aurait partagé ses hypothèses ni les informations qu'il détenait avec qui que ce soit. Non, Adams serait devenu d'avantage méfiant vis-à-vis d'elle, quant au reste de sa famille, il en aurait été certainement de même. L'amour ne pouvait étouffer certaines craintes enfouies, se rappelait-il avec amertume.

Jaëssann voulait imaginer, qu'à défaut de la faire passer pour un Tsunni factice ; qu'elle soit réellement capable de l'être. Oui, il espérait en faire son arme ; le dangereux joyau de Lothälann. Seulement, tant que le Yonnkha n'était pas brisé, aucune de ses théories ne pourrait se prouver. Il ne pouvait pas reposer ses attentes sur des éventualités. De plus, il ignorait complètement les effets des sceaux ; certains étant susceptibles de tuer à petit feu leur porteur.

Quand la famille d'Alix arriva à hauteur des deux individus, le Tsanéka se redressa en serrant la mâchoire. N'ayant plus de contact physique avec lui, la jeune fille se déraidit. Les sourcils froncés en signe de contrariété, elle contempla l'assemblée.

— Ce Yonnkha a été tracé par un expert.

— Tu as une idée de son effet ? s'enquerra le Tzaäl avec inquiétude.

— Aucunement. Je n'en avais jamais vu de tel. J'ai besoin de vérifier par quel moyen il a été réalisé.

— Comment ? demanda Aleksander en plissant les yeux.

Jaëssann leva vivement sa main vers Alix et abaissa deux de ses doigts. La jeune fille eut l'impression que la gravité avait soudainement décuplé. En moins de temps qu'il n'avait fallu pour le dire, elle s'était retrouvée le dos plaqué contre le plancher lustré de la salle de réception. Ses membres, terriblement lourds, lui paraissaient indécollables du sol. Quant à la pression, elle était telle qu'elle empêchait sa mâchoire de s'ouvrir et d'émettre le moindre bruit.

— Qu'est-ce que tu fais ? grogna Thomas, d'une voix plus sombre que les abysses des océans.

— Silence, je sais ce que je fais, répondit froidement Jaëssann en levant furtivement les yeux au ciel. Il inspira brièvement puis s'adressa aux quatre hommes : faites en sorte de lui maintenir les bras, les jambes, la tête et le buste au sol.

Dathräkins [EN PAUSE.]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant