Chapitre 2.

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Alix s'avançait dans un parterre de cendres grises. Elle connaissait bien cet endroit : la maison dans laquelle elle avait grandi. Les flammes l'avaient ravagé. Au sein des décombres persistaient encore quelques poutres noircies, des morceaux de murs et des tuiles, brisées, entassées. Comme si le temps s'était arrêté, la lumière du soleil était filtrée par de petites pellicules de poussières volatiles.

Le cœur lourd et la gorge serrée, l'adolescente retrouva les restes du petit salon. Il y avait des morceaux de tapis et de rideaux, par-ci par-là. La housse du canapé était déchirée, brûlée. Quelques ressorts de fer, dont les bouts avaient fondu, ressortaient de l'assise. Elle laissa dériver ses yeux sur ce qui restait de l'entrée de la petite cuisine. Son cœur se brisa en morceaux lorsqu'elle remarqua l'ours en peluche de Zora qui jonchait le sol. Il avait perdu un œil et une oreille. Tandis qu'elle n'arrivait pas à retenir les grosses larmes qui coulaient sur ses joues, elle s'approchait de la peluche de sa défunte petite sœur. Alix le contempla tristement, un goût amer dans la bouche. Elle s'abaissa puis prit l'ourson dans ses bras. La jeune fille le serra contre son cœur de toutes ses forces en tremblant.

Sa maison n'était plus, et ceux qu'elle avait tant aimés avaient disparu à tout jamais.

Elle sentit une main chaude se poser sur son épaule dénudée. Un geste doux, qui se voulait de réconfort, apaisa légèrement le sanglot de la jeune fille, mais ne soigna pas son cœur meurtri. Elle savait qu'il s'agissait de sa conscience. Avant ce rêve, elle n'avait jamais ressenti la chaleur de sa paume auparavant, ni la douceur de ses longs doigts. Alors qu'elle avait toujours voulu connaître son visage, l'adolescente hésita à se retourner. En avait-elle vraiment envie ? Ce visage qu'elle avait cherché toutes ces années, nuit après nuit, et même dans les moindres recoins de ses pensées ne l'obsédait plus à l'instant. Pourtant, quelque chose l'incita à le faire. Peut-être parce qu'elle en avait besoin. La tête baissée, elle se retourna lentement. La main de sa conscience se décolla de son épaule. Il passa ses doigts sur son menton et le lui releva doucement.

Lorsqu'elle porta son regard triste, pour la toute première fois, sur lui, elle découvrit un visage aux traits fins. Ses cheveux corbeaux étaient légèrement relevés sur le haut de son crâne alors qu'ils étaient rasés de près sur ses côtés. Ses fins sourcils arqués étaient légèrement froncés au-dessus de ses yeux de biche. Ses iris étaient plus sombres que la nuit si bien que l'on ne pouvait en distinguer la pupille. Elle laissa descendre ses yeux gris sur son nez à peine retroussé puis sur le doux sourire que formaient les coins de ses lèvres pulpeuses. Sa mâchoire angulaire était marquée par une petite barbe noire taillée.

Quand les rayons du soleil virent jouer sur sa peau dorée, Alix constata qu'elle était dénuée d'impureté. Cet homme, une projection de sa conscience, dégageait un charme hors du commun. Sa beauté était telle qu'il semblait bien trop parfait et le rendait mystérieux, voire même intimidant.

Alix continuait de contempler ce qui lui semblait être un être céleste dont les ailes auraient été brûlées ou arrachées ; un ange déchu. Du haut de son mètre quatre-vingt, il était bien plus grand qu'elle. Sa carrure était imposante à cause de sa musculature développée que la chemise sombre qu'il portait n'arrivait pas à cacher. Entièrement vêtu de noir, l'homme restait très élégant.

Alors que n'importe quelle femme serait tombée à ses pieds au premier regard, Alix restait de marbre. Certes, elle n'était pas insensible à son charme, mais elle devinait qu'il n'était autre qu'une projection de sa propre conscience, reflet d'un désir profond ; une tentation interdite.

Alix resserra ses doigts sur l'ours en peluche de sa petite sœur sans le quitter de son air stupéfait. Après avoir essuyé les larmes d'un sanglot passé du bout de son pouce, l'homme passa ses doigts sur la bretelle de la petite robe blanche qui tombait sur l'épaule d'Alix pour la remettre en place.

Dathräkins [EN PAUSE.]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant