Chapitre 5

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Samedi 15 septembre

Un bruit de casseroles réveilla Victorien. Les paupières gonflées par le sommeil, il s'étira doucement. Lorsqu'il se redressa, il fut surpris de trouver la chambre encore baignée d'une obscurité relative. Quelques rayons de soleil filtraient à travers les interstices des volets mal fermés. Il se frotta les yeux et retint tout juste un bâillement. Son ventre grouillait de faim.

Victorien posa le pied à terre. Il récupéra son sweat sous le lit, se demandant bien pourquoi il l'avait jeté si loin, et enfila son pantalon. Pieds nus sur la moquette, il ramassa son téléphone tombé au sol. L'écran indiquait onze heures.

Étonnant pour lui qui ne pratiquait que rarement la grasse matinée. Son colocataire ne semblait pas se soucier de l'heure. Avançant à pas de loup pour ne pas le réveiller, il entendit de petits bruits qu'il ne sut identifier. Les yeux plissés, il distinguait Leï endormi sur le dos, un bras en travers du lit. Victorien trouvait saisissant le contraste entre son air apaisé et la permanente expression de contrariété qui traversait son visage éveillé. Ainsi, Leï paraissait plus abordable, plus jeune aussi.

Le minuscule bruit recommença et Victorien dut se pencher pour discerner une boule de poil confortablement installée sur le ventre de Leï. L'animal grignotait le bord du t-shirt noir.

— Oh merde... Mais qu'est-ce que tu fais là toi ? Tu t'es échappé ? Leï va criser s'il te voit...

Après quelques hésitations, il tenta vainement de soulever le cochon d'Inde, mais ce dernier se mit à couiner. Effrayé à l'idée de l'avoir blessé, Victorien sursauta tandis que Frostie enfonçait ses griffes dans l'habit. Leï bondit. À peine sorti du sommeil, il perdit son air angélique en voyant son colocataire penché sur lui et son t-shirt sombre largement relevé, toujours accroché aux pattes de l'animal.

— Mais qu'est-c'que tu fous, Alminno ?

D'un geste vif, Leï dégagea le tissu et recouvrit son ventre. Il observa un instant le bord décousu et un léger trou plus haut.

— T'as encore bouffé mon t-shirt, p'tit con ? Tss.

Il repoussa la couverture, amusé de voir Frostie se débattre pour échapper à Victorien dont les mains disparaissaient presque sous l'épaisse longueur des poils couleur crème. Leï les effleura délicatement des siennes pour récupérer son compagnon qui cessa aussitôt de couiner quand il le positionna contre son cœur pour le transporter.

Victorien ne dit rien, abasourdi par l'étonnante douceur dont il faisait preuve. Pour la première fois, il ne se sentait pas stressé par sa présence. Son sourire et la façon dont il jouait avec le cochon d'Inde l'apaisaient. Ce garçon supportait donc davantage la compagnie animalière qu'humaine. Victorien ne pouvait guère lui en vouloir.

Il se surprit à contempler Leï qui tendait une feuille de salade à travers la cage.

— Comment il s'appelle ?

— Frostie, consentit à répondre Leï.

— C'est rigolo. Pourquoi Frostie ?

Leï retrouvait déjà son expression peu amène. L'envie de solitude se lisait sur ses lèvres à moitié closes et son regard fuyant.

— Pourquoi pas ?

Victorien n'insista pas, déçu de voir la possibilité d'échanger s'effilocher si vite. A la place, la surprise le percuta, au moment où Leï se détournait de la cage. Ce dernier ne portait qu'un sous-vêtement en plus de son haut.

— Y'a un problème ? lui lança Leï.

— Non ! Non, je... J'ai faim. Je... vais voir si je peux aider Isabelle, ou déjeuner un truc ou...

La Lumière noire - (L&V) T.1 + T. 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant