Prologue

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ALEXY


Je cours à en perdre haleine, à en perdre la raison, à en perdre la vision des arbres qui se floutent autour de moi. Je cours comme si ma vie en dépendait, et indirectement, c'est bel et bien le cas. Parce qu'au fond, comment vivre enfermée dans une cage quand j'ai connu la liberté, cet infini de possibilités que beaucoup ne font qu'effleurer un jour, voir même ne jamais le toucher réellement et simplement le rêver ? Il y a quelques mois encore, j'étais exactement comme eux. Eux. Je pensais que c'était mon destin de survivre ainsi, emprisonnée de tous les côtés, sans aucune autre échappatoire que de me cacher, sans cesse, ne jamais dévoiler qui j'étais vraiment. Je ne savais pas moi-même qui j'étais, d'ailleurs. Et à juste titre, je ne pouvais pas, puisque je ne comprenais pas l'anomalie que je croyais dur comme fer être.

Mais maintenant que j'ai goûté au savoir, comment l'abandonner ? Je ne pourrais pas. Je ne peux pas laisser tomber tout ce que j'ai découvert, faire comme si rien ne s'était passé, comme si je n'avais pas compris. Oublier une deuxième fois. Faire comme si je n'étais pas le dernier espoir des esclaves de cette prison que je viens tout juste de quitter. Alors je cours, je cours à en perdre haleine, à en perdre la raison, à en perdre la vision des arbres qui se floutent autour de moi, à en oublier la douleur de cette clé USB qui s'enfonce dans ma paume jusqu'au sang. J'ai peur de la casser en serrant si fort, mais j'ai encore plus peur de la perdre.Je cours à en mourir d'épuisement, et les arbres autour de moi, noircis et calcinés, ne sont que le reflet de mon propre coeur brisé, alors que je ne me suis jamais sentie aussi vivante. Jamais je n'ai eu une telle conscience de ne pas être qu'une erreur, de ne pas être celle qu'ils voulaient que je sois. Je ne suis pas une anomalie. Je suis ici à ma place autant qu'eux, et jamais, jamais je ne les laisserai me voler cette liberté que j'ai payée de mon sang alors même qu'elle me revient de droit. Je ne devrais pas avoir à me battre ainsi, mais je le ferai, jusqu'à en crever s'il le faut, parce que je ne suis pas la dernière. Et je ne le serai jamais.Alors j'arrête net ma course effrénée. Je ne courais pas pour sauver ma peau, au final. Je courais pour ne pas avoir à affronter la vérité en face, et ça ne vaut pas que pour aujourd'hui. Il est temps d'arrêter de fuir, arrêter de leur ressembler, arrêter d'endosser cette carapace, ce masque qu'ils ont façonné de toutes parts pour moi. Cette couverture que je n'ai pas choisie.J'arrête de fuir.Je me retourne.Sans une hésitation, je lève mon arme dans leur direction. Je n'ai même pas besoin de viser : ils ont tellement peur de moi qu'ils auraient envoyé leur armée entière à mes trousses s'ils avaient pu. Et le bruit de ces centaines de chaussures qui claquent sur le sol brûlé suffit à me conforter dans l'idée que je n'ai quasiment aucune chance de rater ma cible. J'appuie sur la gâchette.Jusqu'à ce que mon chargeur soit vide.Puis j'en place un nouveau dans le pistolet.

You're the LastOù les histoires vivent. Découvrez maintenant