Sur le mont Olympe

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     Après avoir parcouru le sentier sinueux qui gravissait la montagne, Hadès arrivait aux frontières du royaume de son frère. Ici, la lumière était aveuglante. Rien à voir avec son propre domaine, rempli d'ombre et de recoins obscurs où l'on pouvait se cacher, voir sans être vu. Ici, tout était baigné d'or. Chaque parcelle du monde se manifestait avec impudeur, exhibant ses moindres détails. Le Dieu des Enfers fit une grimace de dégoût.

     Il franchit le haut portail en fer forgé et marcha longuement à travers les nuages. Dans son sillage, il laissait des traces de suie, attestant de la colère démente qui le rongeait de l'intérieur. Lorsqu'il arriva devant le trône de Zeus, celui-ci regardait distraitement le monde, le menton posé au creux de sa main droite. Il avait l'air pensif.

     -Frère, l'interpela le Dieu des Enfers pour signaler sa présence.

     Zeus se tourna vers lui mais ne montra pas de surprise, comme s'il s'attendait à son arrivée.

     -Tu te décides enfin à te montrer, dit-il d'un ton las. Tu as toujours une longueur de retard. Je sais ce que tu viens m'annoncer : Pénélope est de retour et elle s'apprête à faire son rapport à ta femme.

     Hadès venait de se prendre une gifle. Les pouvoirs de son frère avaient toujours surpassé les siens bien sûr, mais il n'appréciait guère les piqûres de rappel.

     -Tu étais au courant ? demanda-t-il, éberlué.

     -Évidemment que je suis au courant, répondit Zeus en haussant les épaules. Elle a quitté ton royaume il y a dix ans sur ordre de ta femme. Leur but était d'infiltrer les hommes pour voir comment ils vivent aujourd'hui. Et surtout, pour voir comment ils se comportent avec les femmes. Va savoir pourquoi, elles se sont mises toutes les deux à penser que les femmes ne sont pas justement traitées, sur comme sous terre.

     -Et alors ? S'enquit Hadès pour en savoir plus. Tu n'as rien fait pour l'en empêcher ?

     Le Dieu des Dieux serra les poings et un courant électrique parcourut tout son corps.

     -C'est toi, Hadès, qui aurait dû faire quelque chose pour l'en empêcher ! Tonna-t-il en se levant subitement.

     Sa haute stature, sa musculature, sa barbe fournie et sa chevelure grise faisaient figure d'autorité. Hadès, face à lui, ressemblait à une fourmi huileuse et fourchue.

     -Pénélope est morte, elle faisait partie de ta juridiction. Quant à ta femme... Quel genre de dieu es-tu pour ne même pas savoir la contrôler ? Comment peux-tu gouverner un royaume si tu ne règnes même pas sur celle qui partage ta couche !

     Hadès supporta les reproches sans sourciller mais au fond, il bouillonnait de rage. L'humiliation que Perséphone lui avait faite subir devant Minos n'était-elle pas suffisante ? Fallait-il aussi se laisser rabrouer par son frère ainé ?

     -Ne t'en fais donc pas ! Poursuivit Zeus en s'approchant de son frère pour lui décocher une grande frappe dans le dos. J'ai placé Pénélope sous surveillance tout le temps où elle était sur Terre. Hermès s'est chargé de lui montrer que le monde est merveilleux de nos jours quand on est une femme. Elle est probablement en train de dire à ta chère et tendre que son voyage a été formidable et que les hommes sont des êtres d'une douceur incroyable !

     Il rit de bon cœur en imaginant le dialogue entre les deux femmes. Il était tellement sûr de lui. Mais il retrouva vite son sérieux. Il empoigna fermement l'épaule d'Hadès et prit un air menaçant :

     -Je ne veux plus que ce genre de choses se reproduise, tu m'entends ? Tu as le devoir de contrôler qui entre ou sort de ton domaine. Tu as un chien à trois têtes pour en garder l'entrée, que te faut-il de plus ? Surveille ta population et surtout, surveille ta femme. Je ne sais pas à quoi elle joue, mais nous étions à deux doigts d'une mutinerie. De quoi aurions-nous l'air, si nos femmes se rebellaient contre nous, hein ?

     Le Dieu de l'Olympe, tenant toujours son frère par l'épaule, enfonça un peu plus ses doigts puissants entre ses os. Il avait une telle force qu'il était sur le point de lui déboiter le bras. Il approcha un peu plus son visage du sien et acheva ainsi son monologue :

     -Mate-la.

Une saison en enferWhere stories live. Discover now