Partie 3

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Je marchais tranquillement vers la cuisine. C'était devenu mon QG, en quelque sorte. Les autres ne venaient pas m'y déranger.

Depuis quinze jours, je n'étais pas sortie. Un venti – un esprit du vent – du nom de Phil passait tous les matins avec un colis d'Hermès Express, contenant nos vivres pour la journée. Le bunker étant un sanctuaire magique, aucun d'entre nous ne pouvait donc utiliser ses pouvoirs dedans, et donc, faire apparaître de la nourriture.

Nos réserves de nourriture humaine s'amenuisaient à mesure que les jours passaient. Plus de chocolat, de pop-corn et de bonbons devant le film du dimanche. Plus de bon gros steak saignant dans nos assiettes le soir. Même les sardines cramées de Poséidon nous donnaient l'eau à la bouche désormais (Beurk !). Nous en étions réduits à une minuscule portion d'ambroisie et un fond de nectar dans nos gobelets en plastique.

Perdue dans mes pensées, je ne vit pas venir le coup. Quand le chien bondit sur moi, j'hurlai :

— Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !!! Vade retro satanas !!

Arès éclata de rire en retirant de sa main la marionette à face canine, plutôt bien réussie. Une main sur ma pointrine, je reprenais mon souffle.

— Tu m'as fait peur ! protestai-je.

Mon demi-frère ricana.

— C'était le but, sœurette.

Cette habitude qu'il avait prise de m'appeler sœurette devenait fatiguante. Nous n'étions liés que par notre père, Zeus. La mère du dieu de la guerre était Héra, tandis que la mienne était une Océanide du nom de Métis.

J'arrachai furieusement la marionnette des mains d'Arès.

— Ça, c'est confisqué !

L'autre écarquilla les yeux.

— Confisqué ? Tu te fiches de moi ? Tu as à peine deux cents ans de plus que moi, s'il te plaît...

— Non. J'ai dis que c'était confisqué et c'est confisqué. Point barre.

Arès fit les lèvres en cœur et adopta une mimique de chiot apeuré qui aurait admirablement fonctionné s'il n'avait pas eu cette lueur meurtrière dans le regard. Un chiot apeuré ne rêve pas de meurtre et n'insulte pas @pecorino84 en latin.

— S'il te plaît, Athie...

— Non.

— S'il te plaît...

— Non !

— S'il te plaît...

— NON !

Arès fit immédiatement disparaître cette moue qu'il pensait adorable et irrésistible (pas du tout) de son visage. Il s'éloigna en grommelant des insultes et en shootant dans des paquets de chips vides – décidément, il y en avait partout.

J'avais l'impression d'avoir revécu la scène qui s'était déroulée quelques jours plus tôt avec mon père au téléphone. Je ris en me rendant compte que, cette fois-ci, c'était moi dans le rôle de Zeus.

Je poussai la porte de la cuisine pour découvrir Aphrodite, enfoncée jusqu'à la taille dans un placard. Comment faisait-elle pour rentrer là-dedans ??!

Je m'éclaircis la gorge :

— Hum hum !

Aphrodite sortit immédiatement du placard, le visage maculé de taches marron. Elle cacha ses mains derrière son dos, avalant à la hâte ce qu'elle avait dans la bouche.

— Ah, euh, c'est toi ! Que me vaut ce plaisir ?

— Qu'est-ce que tu fais dans cette cuisine avec du chocolat plein la bouche ?

— Du chocolat ? (Elle scruta la cuisine, cherchant de quoi je voulais bien parler, au juste) Qui t'as parlé de chocolat ? Il n'y a pas de chocolat !

Elle se répétait. Aphrodite entourloupait plutôt bien les garçons, mais avec moi, ça ne passait pas. La déesse de la beauté mentait mal.

— Et bien, je dirais qu'il y en a dans le placard derrière toi. Enfin, qu'il y en avait...

Aphrodite ouvrit des yeux ronds, faussement surprise.

— Ah bon ??! Et qui l'a pris ?

Je soupirai.

— Ne me prends pas pour une cruche, Aphro. Tu manges du chocolat en cachette. Je croyais que tu voulais garder la ligne, pourtant ?

Aphrodite serra ses lèvres pleines de cacao en se dandinant, les mains dans le dos comme un enfant pris sur le fait.

— Désolée... Je ne voulais pas que vous vous inquiétiez... J'ai bien le droit de m'accorder des petits plaisirs de temps en temps, non ?

Je jetai un coup d'œil sceptique au placard vide.

— Un petit plaisir, tu dis...

La déesse barbouillée sourit d'un air contrit.

— Bon, ok, lâcha-t-elle finalement. J'ai peut-être pris quelques grammes mais...

Elle s'arrêta en plein milieu de la phrase. Je levai un sourcil.

— Mais...?

La blonde fit claquer sa langue.

— Mais rien du tout. Je dois y aller, salut !

Et elle fila en me bousculant légèrement. Je me retournai et entrepris de ranger la boîte de chocolat vide. Puis je fis un brin de vaisselle et entrepris de faire l'inventaire de ce qu'il nous restait en nourriture. Deux boîtes de conserve, des cacahuètes périmées et des chips. Toujours des chips. Encore des chips. À chaque placard que j'ouvrais, c'était toujours la même chose. Chips. Chips. Chips.

Chiiips!!! cria mon estomac.

Je secouai la tête. Pas question ! J'avais depuis longtemps appris à écouter mon esprit plutôt que mon corps. Les humains faisaient eux plus attention aux appels de leur ventre ou de leur vessie, et ne réfléchissaient pas avant d'agir. Nombre de héros s'étaient ainsi retrouvés dans de mauvaises passes en cherchant les toilettes dans le mauvais coin.

Je ris toute seule en repensant au demi-dieu qui s'était retrouvé face à une hydre en plein milieu de sa pose pipi. Zeus et Poséidon s'étaient ce jour-là tapé un fou-rire tel que mon père avait déclenché une tempête par mégarde.

N'y tenant plus, je m'emparai finalement d'un paquet de Pringles et d'une canette de Coca.

Je me rendis ensuite dans ma chambre en tâchant d'éviter les cabots d'Arès et sautai sur mon lit. Attrapant mon ordinateur, je me connectai à mon compte Netflix et lançai la saison 4 de La Casa de Papel. J'adore cette série !

En revanche, je ne comprendrai jamais pourquoi les mortels affectent tant leur cher argent. Ils s'entretuent pour quelques billets et gâchent leurs vies avec un métier qu'ils n'aiment pas pour gagner de quoi payer leurs impôts.

C'était totalement débile si vous voulez mon avis. Je tus mes pensées quand l'introduction prit fin. C'est fou ce qu'ils perdaient comme temps avec ces génériques !

Je piochai une chips et la mettai dans ma bouche. Berk ! Goût ail. Pas de bol. Je filai le paquet à Ibis qui se mit à y fouiller du bec. Cette chouette semblait clouée à son étagère. C'était à se demander si elle n'était pas à moitié émpaillée, depuis le temps.

Je décapsulai ensuite ma canette et pris une gorgée. Aaaah ! Ça au moins, ça avait du goût ! Ce n'était peut-être pas bon pour la santé des mortels, mais c'était délicieux.

Aphrodite commença à brailler dans la chambre voisine.

— Oh Héra, j'adore ta robe !!! Elle est magnifique !

Les murs n'étaient pas insonorisés. Je m'en étais vite rendue compte. J'enfonçai alors mon casque sur mes oreilles et repris mon épisode.

Pan ! Pan ! J'adore Netflix. Je l'ai déjà dit ?

***

Olympe : Confinés [Mon devoir de latin]Όπου ζουν οι ιστορίες. Ανακάλυψε τώρα