Chapitre 14. [1/2]

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Jaëssann s'était rendu à Ekhäl afin d'aller demander l'aide d'Adams dans la recherche de Luz Arinarth. Il n'aurait jamais pu espérer tomber sur elle dans le plus grand des hasards. Les Dieux semblaient lui accorder leurs faveurs. Le Tsanéka avait alors ordonné aux chevaliers de se saisir d'elle et de la jeter dans une de cellules de la garnison. 

Voilà plusieurs heures qu'Alix s'était laissée chuter sur le sol couvert de crasse avant de s'adosser au mur dont les parois s'effritaient légèrement. Les genoux repliés contre sa poitrine, la jeune fille semblait attendre la mort à l'autre bout de son étroite cage humide. Craintive, elle imaginait déjà la manière dont elle perdrait la vie. 

À l'aube d'une belle journée d'hiver, une heure où la neige tomberait et où les quelques rayons de soleil perceraient les nuages blancs, elle monterait sur l'échafaud de bois.

Comme pour toute exécution, la foule serait réunie autour d'elle et la huerait. Certains lui lanceraient des pierres ou des fruits pourris.

Du haut de leur tribune boisée, la famille royale ainsi que quelques nobles observeraient la scène avec la plus grande attention.

Le grincement des planches retentirait sous les pieds du bourreau grimpant à l'échafaud alors qu'elle entendrait le souffle de la mort murmurer à son oreille. Un immense frisson envahirait son corps frêle tandis que les flocons de neige viendraient se déposer sur la peau de ses mains.

Lorsqu'elle sentirait son tueur dans son dos, l'adolescente se retournerait doucement. Elle relèverait la tête et découvrirait les traits de cet homme qu'elle ne pouvait pas supporter : Jaëssann. Qui aurait-elle pu imaginer d'autre que lui afin de jouer le rôle de son bourreau ? Quelques-unes des mèches de ses cheveux noirs retomberaient, rebelles, sur son front doré, dès lors qu'il paraîtrait sonder son âme de ses yeux ténébreux. Un grand sourire malsain aux lèvres qu'il étirerait progressivement en un rictus sadique, il passerait ses doigts sur le visage d'Alix.

Elle tremblerait face à lui, vulnérable. Son corps, bientôt défunt, lui appartiendrait et il en ferait ce que bon lui semblerait. Son heure serait proche. D'un simple regard, elle supplierait le Tsanéka qui se délecterait de sa peur.

De l'autre côté des barreaux, se présenta l'Impitoyable ; tirant ainsi Alix de ses songes. Les mains plongées dans les poches de son manteau, il posa son dos contre le mur de l'étroit couloir de pierre. Avec une froideur à en pétrifier un mort, il détailla la jeune fille de ses yeux dont la noirceur ne pouvait équivaloir qu'aux abysses de son âme. 

L'adolescente esquivait le regard perçant du démon qui lui donnait l'impression d'avoir le pouvoir de sonder jusqu'au tréfonds de ses entrailles. Impuissante et mal à l'aise, Alix ne pouvait qu'attendre patiemment la venue de son heure. Alix se sentait désemparée. Dans sa minuscule cage de pierre et d'acier, elle était prise au piège. Elle lui était offerte. 

Là où un esprit fougueux et égaré aurait cherché un plan afin de s'en sortir, Alix s'était fait une raison. Elle n'était pas idiote au point de penser qu'elle aurait pu s'en ressortir ; il était l'homme le plus puissant du royaume, si ce n'était pas du monde. La jeune fille savait que même si l'Impitoyable venait à lui ouvrir la lourde porte — ne serait-ce que pour la narguer — tout espoir de parvenir à lui échapper serait vain. 

Un mélange d'amertume et de tristesse se bousculait dans ses prunelles qui fixaient désespérément le sol. Accusée d'être complice dans le meurtre de l'Aêrth de Cynthorès, elle devinait que sa vie toucherait bientôt à son crépuscule. 

Elle s'était résolue à perdre la guerre, mais avant de rendre les armes il lui restait encore une dernière bataille à mener. Elle devait, au moins, protéger sa famille et emporter le secret de son identité dans sa tombe. 

Dathräkins [EN PAUSE.]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant