~ 1 ~

6.6K 154 145
                                    

Au fur et à mesure que nous entrons dans Freeridge, j'aperçois les maisons qui ressemblent a des blocs pleins de poussière, des hommes et des femmes aux regards perçants, intimidants, des lieux de recueil avec des photos d'enfants, des ballons, des peluches.

C'est la vie que je mène.

-We're gonna be great here... souffle mon père, au volant de notre vieille voiture.
(On va être bien ici...)

-Dad, stop...
(Papa, arrête...)

Mon père me regarde interrogativement.

-Stop. Stop pretending... it's gonna be fine. Stop pretending WE are gonna be fine. We'll not. We'll never be.
(Arrête de prétendre... que ça ira bien. Arrête de prétendre qu'ON ira bien. Ce ne sera pas le cas. Ça ne sera jamais le cas)

Il soupire.

-I'm sorry, Jo...
(Je suis désolé, Jo...)

-No, it's me. I shouldn't be mad at you, fais je, regrettant mes paroles sèches. It's not your fault.
(Non, c'est moi. Je ne devrais pas être énervée contre toi. Ce n'est pas de ta faute.)

Puis la voiture s'arrête en face d'une petite maison comme les autres. Nous emportons les bagages dans la maison et nous asseyons sur le canapé du salon. Nous avons appris à voyager léger. Les déménagements durent moins longtemps. C'est plus facile.

-We should be good for at least a year, fait mon père. We'll see what happens next... Now, I'm hungry and old. Could you go buy burgers for us darling ?
(On devrait être bien pour au moins un mois. On verra ce qui arrivera après... Maintenant je suis affamé et vieux. Pourrais tu aller acheter des burgers pour nous, chérie?)

-Dad! I don't even know where I can buy it!
(Papa! Je ne sais même pas où je peux en acheter!)

-Well... Search with your... Internet.
(Eh bien... Cherche avec ton... Internet.)

Je le regarde et lève les yeux au ciel en souriant.

‐Nevermind, I'll see what I can find.
(Bon, je vais voir ce que je peux trouver.)

-See? THAT's why you're my best-one-and-only-daughter!
(Tu vois? C'est pour ÇA que tu ma meilleure-fille-unique!)

Mon père me donne de l'argent et je sors dans la rue, sous la chaleur cuisante de cette fin d'été.

Je marche dans la rue et certaines personnes me regardent... étrangement. C'est ça Freeridge. C'est ça, tous les quartiers dans lesquels j'ai vécu.

Je vois un groupe de jeunes, souriants, et je me demande à quoi ressemble leur vie.

Une fille, quatre garçons. Mon âge environ.

Peut-être les verrais je au lycée? Peut-être deviendront ils mes amis? Et puis je partirais... encore. Non, Johanna. Pas le temps de penser à la fin, tu viens juste d'arriver!

Au bout de quelques minutes, je trouve enfin un endroit. Dwayne's Joint. Ça m'a l'air... potable.

J'entre, faisant tinter une cloche.

Un grand homme Noir m'accueille.

-Welcome to Dwayne's Joint!
(Bienvenue à Dwayne's Joint!)

À l'intérieur il y'a quelques personnes, assises à des tables, en train de savourer des burgers et des frites.

Je m'approche du comptoir et commande, moi aussi, des burgers et des frites, quand un groupe de cinq garçons entrent.

Les discussions s'éteignent soudainement. La tension est palpables dans le petit restaurant.

Je me retourne et me retrouvent face aux cinq. Ils sont tatoués, et ils arborent tous un air... dominant.

Celui du milieu, que je devine être le boss, me regarde en fronçant les sourcils.

C'est un grand latino, avec des cheveux rasé, un larme tatouée sur la joue gauche, ainsi qu'une croix dans son cou.

D'ailleurs, les quatre autres portent aussi cette croix. Les Santos. Je me suis renseignée.

Le garçon me dévisage donc.

-What? Demandé je.
(Quoi?)

-Who are you? Never seen you before in the barrio.
(Qui es tu? Jamais vue dans le coin avant...)

Drôle de façon de m'accoster.  Bien loin de me laisser marcher sur les pieds par un vulgaire chef de bande, je répond, sur le même ton:

-Who are YOU? I'v never seen you before either.
(Qui es TU ? Je t'ai jamais vu non plus.)

À ma grande surprise, la garçon se met à sourire en coin.

-Fair enough.
(C'est juste.)

Son sourire disparaît alors.

-I'm Spooky. I lead the Santos here. So next time you wanna talk to me, gimme some respeto.
(Je suis Spooky. Je dirige les Santos ici. Donc la prochaine fois qu'tu veux m'parler, donne moi du respect.)

Loin de me démonter, je m'approche de lui.

Il me dépasse d'une bonne trentaine de centimètres mais je n'en ai que faire. Je sais me défendre. Puis j'ai un pistolet dans mon sac. Vous savez. Au cas où.

-You're not my boss, Spooky. I ain't no Santos. I don't owe you no respect. Now, if you don't mind, I'm busy.
(T'es pas mon boss Spooky. J'suis pas une Santos. J'te dois aucun respect. Maintenant, si tu veux bien, j'suis occupée.)

Je prends les burgers et les frites sur le comptoir et pose mon billet de vingt dollars, avant de m'en aller.

Ces guéguerres de gangs, ces leader qui se prennent pour des rois... j'en ai marre. J'ai peut-être été dure avec ce pauvre mec qui me demandait simplement qui j'étais, mais il faut dire qu'il y a des circonstances atténuantes.

Toute ma vie, j'ai fui. Mon père, avant de m'avoir, faisait partie d'un gang. Les Ventanas. Plutôt ridicule comme nom, hein? Mais non.

Leur nom, qui signifie "fenêtre", ne vient pas de nulle part. La vérité, c'est qu'ils savent s'y faire. Quand ils doivent tuer quelqu'un, ils le font à travers une fenêtre.

Tu ne le vois pas venir. Une balle dans le dos, et c'est finit.

C'est lâche, mais efficace. Ma mère y est passée.

Quand mes parents m'ont eu, mon père a décider de quitter le gang. Pablo, leur leader... il n'a pas apprécié. Il a juré à mon père qu'il décimerait toute sa famille, les uns après les autres. C'est pour ça qu'on s'en va, qu'on ne reste pas bien longtemps nulle part. Une fois, on est resté.

Ça à coûté la vie de ma mère.

C'est pour ça que j'ai une haine si profonde, si encrée envers les gangs. Et j'en suis entourée.

Je rentre chez moi avant que la nuit ne tombe et mon père et moi mangeons. Demain, c'est la rentrée. Je dois me reposer.

Comme d'habitude, je devrais trouver des gens avec qui traîner, pour pas être seule mais surtout... surtout pas m'attacher.

Ma vie est un bordel. La vie de tout le monde ici est un bordel. Mais moi je n'ai que mon père. Eux ils ont des amis, une famille... un gang.

Moi non.

Mais bon... on verra.

-I'm going to bed.
(Je vais me coucher)

Habituellement, nous rions beaucoup avec mon père. Nos discussions sont plus... animées. Mais dès qu'on déménage c'est la même rengaine.

Cette haine, ce dégoût, ça nous prend aux tripes et on perd toute notre joie.

Demain, ça ira mieux. Oui. Ça ira mieux.

<< 1152 mots >>

Shitty Lives // O.M.BWhere stories live. Discover now