CHAPITRE 28 : retrouver sa place.

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— Ange, quel plaisir de te revoir !

L'appelé se détourna et sourit en voyant les visages bienveillants qui l'entouraient. Il connaissait chacune des personnes qui faisaient vivre leur petit marché. Ils l'avaient tous vu grandir. Il salua avec plaisir son entourage, alors que ses repères se replaçaient. Son stand se trouvait toujours entre le marchand de légumes et celui du boulanger. Devenu l'attraction de la matinée, il répondit aux nombreuses questions concernant sa vie à Brest et ses études.

Il prenait à son tour des nouvelles, se plaisait à se remettre à jour. Pourtant, il dut s'excuser alors qu'il voyait au loin Célian disposer les fromages sur les présentoirs. Rien n'était à sa place. Il rejoignit son collègue et, une fois derrière le comptoir ses automatismes réapparurent. Il se remémora l'emplacement de chacun produit et les réorganisa selon sa convenance. Il serait bien plus efficace en connaissant la position exacte des articles, comme il en avait l'habitude. Célian l'observa faire en silence et il s'employa à ignorer son regard. C'était encore lui qui décidait, il avait fait ça presque toute sa vie.

Ange esquissa un sourire alors que les premiers clients se présentaient. Il identifiait toujours les mêmes, ceux qui se levaient tôt pour s'arracher les meilleurs produits. Plus qu'un marché, c'était un lieu de rendez-vous de tous les âges, une occasion pour les villageois de se réunir. L'hiver ne leur faisait pas peur. Heureusement, la journée s'annonçait fraîche, mais ensoleillée. Sa présence attira du monde à son stand. Il ne récolta que des sourires et des regards accueillant.

Ange s'étonna de voir que tous semblaient connaître Célian et l'apprécier. Il avait visiblement trouvé sa place au sein du village. Ça lui coûtait de le reconnaître, mais il se débrouillait bien. Il avait le contact facile, affichait toujours un sourire radieux, avec une pointe de malice. La gorge nouée, Ange se rendit à l'évidence : Célian pouvait le remplacer avec aisance. Il se débrouillait probablement comme un chef lorsqu'il se retrouvait seul.

L'étudiant adressa un sourire maladroit à une amie de sa mère en lui tendant sa commande. Il commençait à réaliser que ses parents s'étaient accommodés de son départ. Ils avaient appris à vivre sans lui. Même si c'était injuste de penser ainsi, il ne pouvait s'empêcher de se sentir blessé. Lui, ne pouvaient pas substituer le manque de ses parents à Brest.

— Je peux te laisser seul quelques minutes ? questionna Célian lorsqu'il y eut moins de monde.

Ange hocha simplement la tête et termina de servir les quelques clients qui restaient. Il s'étonna de le voir entrer dans une vieille maison surplombant la place. La propriétaire, Madame Micha, était décédée deux ans plus tôt et la bâtisse était abandonnée depuis ce temps. Célian réapparut dix minutes plus tard, mais se fit interpeller par la jeune femme qui tenait le camion de crêpes. Elle lui donna deux de ses spécialités et agita la main dans sa direction. Ange la salua en retour.

Lorsque son collègue revint, il lui tendit une crêpe au citron encore tiède. Sa préférée.

— Merci.

— De rien. Je crois que je n'ai jamais autant vendu qu'aujourd'hui, avoua Célian. Ils sont contents de te revoir.

L'étudiant acquiesça et prit une première bouchée. Quelque part, ces paroles le réconfortaient.

— Tu habites là-bas ? interrogea-t-il en désignant la maison à l'autre bout de la place.

— Oui. C'était la maison de ma grand-mère.

— Je vois. Je suis désolé pour elle.

Un nouveau silence s'étira entre eux. Ange refusait de céder à la curiosité. Pas avec Célian. Il ne voulait pas connaître celui qui le remplaçait.

Entre ciel et merWhere stories live. Discover now