Je l'écoutais attentivement, malgré le fait que je savais où elle voulait en venir.

- L'idée de les laisser derrière moi me déchire, mais je m'efforce de ne pas y penser. Je me dis aussi que je ne peux rien y changer. Je ne peux pas changer le jour de ma mort ni décider de la manière dont cela va se passer, alors, pourquoi perdrais-je mon temps à craindre ce jour au lieu de donner mon maximum à mes enfants ?

Elle termina sa tresse, se leva et s'approcha de moi.

- Être parent est aussi merveilleux que cruel, car nous avons constamment à penser à nous enfants et à craindre pour eux, mais c'est aussi merveilleux de les voir grandir, rire, pleurer et tout simplement les entendre nous appeler maman. Le fait que tu aies peur de l'abandonner est signe que tu es prêt, voit les choses de la sorte.

Je ne m'attendais pas à cette conclusion, je m'étais trompé.

Craindre pour ses enfants était preuve que l'on était prêt ?

- Quoi d'autre ? me demanda-t-elle.

- Pourquoi es-tu comme ça ?

Elle parut surprise. Elle prit plusieurs secondes avant de froncer ses sourcils.

- Comment ? Je ne suis pas certaine de comprendre.

- Pourquoi n'as-tu pas succombé ?

- Chris, Liham, Ibrahim, Adam et les jumeaux.

- Pas pour toi ?

- Je mentirais si je te disais que je l'avais fait pour moi. On dit parfois que l'on doit agir pour soi et non pour les autres, mais...

Elle s'assit sur le lit, appuya sa tête contre le bois du lit et fixa le plafond.

- Mais je ne savais même pas qui j'étais. Je ne pouvais pas savoir ce que moi je voulais intérieurement. Souvent, je me disais que mieux valait me laisser aller, de faire comme les autres, comme ça, j'oublierai, ne ressentirai pas, mais grâce au Ciel, je me retrouvais toujours à téléphoner à ces gars pour leur avertir. Je ne l'ai pas fait pour moi, mais pour mes frères, ma famille.

Je fus et serai à jamais marqué par ce qu'elle venait de dire.

Ne pas savoir qui on est. Cette idée me semblait effrayante, car depuis toujours, j'avais toujours su quoi faire, qui j'étais et où aller. Arriver au point de ne plus savoir ce que l'on désirait ou était et vivre pour les autres à ce point, tout cela me semblait tellement loin.

- Une fois, j'ai téléphoné Chris en pleurant, commença-t-elle, un sourire aux lèvres, je m'apprêtais à me procurer une de ces conneries de drogue pour tout oublier, j'avais besoin qu'il me dise non, que quelqu'un me dise quoi faire.

Mon cœur se serra et tout mon corps fut parcouru de frissons.

Pensant qu'elle devait être attristée, je la regardai pour ensuite la consoler, mais elle souriait.

- Il devait se demander comment il avait fait pour avoir une telle amie, pauvre lui. Mais il m'a demandé où j'étais et en une dizaine de minutes, il est venu me retrouver. Il m'a regardé pleurer avant de me parler calmement, m'obligeant de vivre avec lui pour qu'il puisse garder un œil sur moi.

- Il a toujours été là.

- Toujours, Ibrahim, Liham et par la suite Adam, toujours. Ils ont préféré me suivre que de me laisser faire tout cela seul. Chris a commencé à organiser mes heures de travail, Liham à me conduire, Ibrahim me servait de psychologue par la suite.

Loco d'elle(s)✅Where stories live. Discover now