Chapitre 10 : Réécriture

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"Dans le miroir, le destin coupe son cœur en deux"

"Un mensonge justicier, un sourire maladroit"

"Nous avions nos préférences toi et moi"

"Quand l'espoir jouait dans nos yeux."


"J'ai croisé ton regard parmi les morceaux brisés"

"Ce n'est pas une mauvaise idée de te dire de les jeter"

"Là-bas sur le bateau, au miaulement du chat noir"

"Chante avec moi dans la langue de Mozart."


La feuille de ces ébauches de paroles se trouva transpercée d'un coup par un rayon lunaire. Luka interrompit sa lecture mentale avec un petit étonnement. Puis séduit, il se mit à contempler la beauté de ce moment spécial, la rencontre de la blancheur céleste avec celle du papier. Il en sourit tout de suite, comme l'artiste qu'il était, devant cet éblouissement de la nature.

Décidément : seul sur le balcon arrière de son bateau, sur le transat orange à onze heures du soir, les charmes de la nuit ne lui donnaient aucune raison de retourner dans sa chambre. D'autant plus que l'on était vendredi, ce jour spécial où le Liberté n'était pas accroché à son bout de terre, mais libre de se perdre au gré du mouvement fluvial de la Seine.

Parfait pour se perdre à son tour dans l'ivresse suprême d'écrire, de composer. Luka posa le papier sur le transat blanc d'à côté et saisit sa guitare sèche. Il leva la tête en l'air et entreprit de chanter son texte.


"Je n'oublie pas tu sais, la douleur est tenace"

"On me parle de ces douleurs que le temps efface"

"Pourtant juste comme ça, ta tendresse me dit de renaître"

"C'est bien beau de me faire oublier le destin maître."


Le somptueux mélange de sa voix grave et de ses doigts offraient un spectacle si ravissant que même les étoiles semblaient écouter. Elles suivaient le bateau des yeux. Celles qui filaient le faisaient dans sa direction, l'air comblé de s'abreuver de ce charmant récital.


"Tu hésites, tu trembles et le ciel éclate"

"De la valse des masques noirs et écarlates"

"Endors-toi là, je pense qu'il n'est jamais trop tard"

"Chante avec moi dans la langue de Mozart."


Il recommença dès qu'il acheva. Il fit ça deux fois. Puis cinq, puis six. Il ressentait une telle joie immense à chanter qu'il recommençait sans cesse. La mélodie était sublime, une des plus belles qu'il n'avait jamais trouvée : si douce, si teintée d'amour les premières phrases, puis s'accélérant selon les mots, prenant le rythme d'une passion effrénée au fil des syllabes. 

Les heures s'allongeaient. Luka buvait sa solitude de guitariste mélancolique à coup de grandes gorgées enivrantes. Tout comme les autres rêveurs à cette heure-ci, le lycéen était assoiffé d'art, de beauté, de passion. C'était le tumulte de la semaine qui le faisait toujours déboucher sur cette envie naturelle : le souvenir désagréable du bruit mettait en Luka cette furieuse envie de musique ; la fatigue des jours de cours lui implantait cette obstination à trouver un instant rare sous lequel jouer et rêver.

Dans la langue de Mozart - Lukadrien (MLB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant